Le Journal de Quebec - Weekend

MUSIQUE LE MOJO DE SARAHMÉE

MONTRÉAL | Terminé les compromis et au diable la censure. Sur son deuxième album, Irréversib­le, la rappeuse québécoise Sarahmée dévoile ses vraies couleurs. « Cet album, c’est qui je suis aujourd’hui », dit celle qui avait abandonné la musique pendant un

- CÉDRIC BÉLANGER Le Journal de Québec cedric.belanger @quebecorme­dia.com

Souriante, allumée, articulée, Sarahmée Ouellet (elle est la soeur de Karim) en avait long à dire sur cet album longuement mûri, quand elle a reçu Le Journal dans le studio du quartier de La Petite-Patrie, à Montréal, où elle l’a concocté avec ses complices Thomas Lapointe (production) et Diego Montenegro (guitare).

« Le style Sarahmée ? C’est un hybride de ce que j’aime et j’écoute. C’est du rap avec de l’afro, il y a des refrains chantés, de la trap. Je trouve que j’ai développé une façon d’écrire qui est plus fluide, moins carrée que ce que je faisais avant. Si quelqu’un écoutait mon album de 2015 et celui d’aujourd’hui, il trouverait que c’est beaucoup plus assumé. »

« TOUT A DÉBLOQUÉ »

L’aventure de cet album de 2015, Légi

time était son nom, n’avait pas connu une fin heureuse en raison d’une mésentente artistique avec sa maison de gérance d’alors, basée à Paris.

« Ils étaient très intrusifs sur ma musique. Ça avait bloqué mon inspiratio­n et j’ai décidé de ne plus faire de musique en 2016. Ça ne me tentait plus, j’avais perdu tout mon mojo. »

Mais bon… sortez la musique d’une passionnée qui en mange depuis son enfance à Dakar, au Sénégal, et celle-ci reviendra au galop. Sauf que lorsque Sarahmée a renoué avec ses premières amours, elle savait ce qu’elle voulait.

« J’ai passé des soirées et de longues nuits à construire mon son dans le studio », confie-t-elle. « J’ai cessé de m’autocensur­er. Un artiste ne devrait jamais se censurer, mais des fois, je me disais : “Ça, c’est trop cru, ça, je ne peux pas dire ça…” Je me suis fait prendre à me soucier beaucoup de ce que les autres pensaient. Le jour où j’ai dit que je n’en avais plus rien à foutre, tout a débloqué. »

Résultat : le débit et les chansons de Sarahmée transpiren­t la confiance en soi et mettent de l’avant son côté frondeur. Quant au pop-rap de T’as pas cru, l’une des chansons de l’album, elle va jusqu’à affirmer « qu’on va faire à Montréal ce que Drake fait à Toronto ». Méchante commande !

ARROGANCE

« C’est sûr que c’est arrogant », dit-elle en riant de bon coeur. « Mais je pense sincèremen­t que ce qui se fait dans le rap à Montréal, quand tu vois des Loud et Koriass, nous place dans une très bonne position. »

Elle-même a des visées internatio­nales. L’Afrique, où elle compte sur de nombreux alliés, fait partie de ses objectifs.

Impossible de discuter avec Sarahmée sans la questionne­r sur la place des femmes, que plusieurs estiment trop mince, dans l’industrie du rap québécois.

Prudente, elle évite de revenir sur la déclaratio­n de Steve Jolin, le patron de l’importante étiquette hip-hop 7e Ciel, qui avait déclaré à La Presse qu’il n’abaisserai­t pas ses standards pour mettre une femme sous contrat. N’empêche, Sarahmée ne peut que constater qu’il existe « des différence­s de perception chez certains joueurs de l’industrie ».

LA MEILLEURE MUSIQUE POSSIBLE

Pour combattre ce sexisme de l’industrie, la rappeuse a choisi de se retrousser les manches et de faire parler sa musique.

« Quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, j’ai décidé de me foutre de l’avis des gens et de faire la meilleure musique possible. Je te dirais qu’il y a vingt autres chansons que j’aurais pu ajouter à l’album (qui en compte 14). En ce moment, je suis dans ma meilleure période en tant qu’artiste. J’ai plein d’idées et de projets. »

Il ne reste plus qu’à espérer, dit-elle, que les festivals fassent de la place aux rappeuses dans les programmat­ions.

Irréversib­le, en vente le 5 avril.

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PHOTO AGENCE QMI, DOMINICK GRAVEL L’album aura droit à un lancement officiel le 18 avril, au Ministère, à Montréal.
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