Le Journal de Quebec - Weekend

INTERNEMEN­T FORCÉ DANS LES ANNÉES 1950

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Après avoir connu un succès mondial avec ses premiers romans,

Il était une lettre et Il était un secret, la romancière britanniqu­e Kathryn Hughes propose une histoire émouvante se déroulant entre les années 1950 et le début du 21e siècle dans son nouveau best-seller, La clé

du coeur. Les liens se tissent entre une écrivaine et une femme qui fut internée dans un hôpital psychiatri­que après avoir perdu sa mère.

Dans les années 1950, Amy, une jeune fille désespérée après la mort de sa mère, tente de s’enlever la vie en se noyant dans un lac.

Rescapée de justesse, elle est dès lors internée à Ambergate, un hôpital psychiatri­que d’Angleterre.

Vingt ans plus tard, alors qu’elle fouille les décombres d’Ambergate en pensant écrire un livre, Sarah découvre une clé. Cette trouvaille lui permettra de revisiter les secrets d’Amy, qui n’était pas folle du tout, et de mettre un baume sur un passé tourmenté.

Kathryn Hughes, une écrivaine de Manchester, au Royaume-Uni, se souvient très bien de l’élément déclencheu­r de l’écriture de ce roman : la fermeture de l’hôpital psychiatri­que newyorkais Willard, en 1995, après plus d’un siècle de service.

« Plusieurs années plus tard, un assortimen­t de valises a été découvert dans une pièce verrouillé­e. Ces valises appartenai­ent à des patients. Que leur est-il arrivé? La plupart des personnes qui entraient dans cet établissem­ent y restaient en moyenne 30 ans. Je me suis dit... quelle amorce extraordin­aire pour un roman ! »

Kathryn Hughes explique qu’en réalité, les patients n’avaient pas besoin de grand-chose puisqu’ils devaient porter les vêtements qu’on leur fournissai­t.

« J’ai enquêté au Royaume-Uni, pour savoir ce qui se passait quand une personne entrait dans un asile. On leur confisquai­t leurs valises, qui étaient entreposée­s. Si vous ne sortiez pas de l’hôpital, les valises restaient là. Personne ne les réclamait. »

DES RAISONS DISCUTABLE­S

Comme elle le raconte dans son roman, les raisons pour lesquelles les gens étaient enfermés étaient parfois discutable­s. « J’ai lu des histoires crève-coeur à ce sujet. Mais c’est tout à fait vrai : au tournant du 20e siècle, on ne calculait pas le montant investi dans ces institutio­ns. Il y avait du marbre italien, des jardins. Mais elles sont vite devenues surpeuplée­s. » Dans les années 1950, une famille sur trois avait un membre de sa famille dans un asile, note-t-elle. « C’était facile de les envoyer là : toutes les raisons étaient bonnes. Et si vous n’étiez pas fou quand vous arriviez, vous l’étiez en sortant... si vous aviez la chance d’en sortir. » La romancière explique qu’au début du 20e siècle, il était davantage question de confinemen­t que de soins spécialisé­s. « Dans les années 1930, 1940 et 1950, ils ont commencé à faire des électrocho­cs, des lobotomies et des traitement­s d’origine chimique. À mon avis, les psychiatre­s étaient en apprentiss­age et les patients étaient des cobayes. »

BÂTIMENTS PATRIMONIA­UX

Elle a visité des hôpitaux psychiatri­ques abandonnés. « En compagnie de mon mari, nous avons fait exactement ce qui est décrit dans le livre. Ces bâtiments font partie du patrimoine et sont toujours debout, même s’ils sont à l’abandon. Comme ils ont fermé leurs portes rapidement, on pouvait voir des pantoufles sous les lits, des vêtements dans les armoires, des uniformes. »

Kathryn Hughes a trouvé difficile d’écrire le destin d’Amy, qui a été conduite dans un asile par son père, parce qu’elle traversait un moment difficile après la mort de sa mère.

« On l’a placée là puis on l’a oubliée. Son cas est assez représenta­tif de dizaines de milliers de gens qui ont subi le même sort. » Kathryn Hughes et son mari ont visité Québec et Montréal l’automne dernier pendant une croisière. Elle travaille sur un quatrième roman, Her last promise, qui sortira au Royaume-Uni en août prochain. « L’histoire se déroule en Espagne. »

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LA CLÉ DU COEUR Kathryn Hughes Éditions Calmann-Levy 394 pages
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