Le Journal de Quebec - Weekend
L’HOMME DERRIÈRE LE SEIGNEUR DES ANNEAUX
Malgré sa place de choix, tant dans la littérature qu’au cinéma, J. R. R. Tolkien est peu connu du grand public. Le film de Dome Karukoski Tolkien, dans lequel Nicholas Hoult tient le rôle-titre et Lily Collins celui de sa future femme, se propose de remédier à cela. En entrevue, le cinéaste détaille son intérêt pour l’auteur du Seigneur des anneaux.
Dome Karukoski est Finlandais et a été nommé deux fois aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. Il dit sans détour que c’est sa vie et son enfance qui l’ont poussé à réaliser Tolkien.
« J’ai lu tous ses romans, certains plusieurs fois. Mais le plus important est que j’ai lu Le seigneur des anneaux lorsque j’étais préadolescent. J’étais seul, malheureux, je me faisais intimider et je grandissais sans père, que j’ai connu plus tard dans ma vie. Les histoires de Tolkien m’ont permis de créer les miennes, de me réfugier dans l’imaginaire. »
John Ronald Reuel Tolkien est quant à lui devenu orphelin de père à 4 ans, avant de perdre sa mère à l’âge de 12 ans. « Et, 30 ans plus tard, je découvre sa vie. Bien sûr, je connaissais les années à Oxford, l’écriture de ses romans, mais je ne savais rien de sa jeunesse! » souligne le cinéaste.
Et il n’est pas le seul. On découvre ainsi un Tolkien (Harry Gilby jeune, Nicholas Hoult jeune adulte) orphelin avec son frère Hilary (Guillermo Bedward jeune, James MacCallum jeune adulte), tous deux laissés aux soins du père Francis Morgan (Colm Meaney). C’est lui qui leur trouve une place dans une pension, où il rencontre Edith Bratt (Mimi Keene jeune, Lily Collins jeune adulte), de qui il tombe amoureux.
Présenté sous forme de retours en arrière alors que Tolkien participe à la bataille de la Somme pendant la Première Guerre mondiale, le long métrage décrit également l’amitié qui lie l’adolescent à un groupe de condisciples. Ils forment une sorte de confrérie – la Tea Club
and Barrovian Society (TCBS) – dans laquelle ils discutent poésie, littérature et musique en buvant du thé.
« Le scénario [de David Gleeson et Stephen Beresford] a beaucoup changé quand j’ai pris les rênes du projet, mais les scènes de la TCBS sont demeurées identiques. Ce sont elles qui m’ont frappé par leur beauté quand j’ai lu le scénario pour la première fois », commente le cinéaste.
EFFETS VISUELS
On sent, dans presque tous les plans du long métrage, l’influence des événements de la vie de Tolkien sur son oeuvre future. Les horreurs des tranchées, notamment, sont mises en parallèle avec l’imagerie du Seigneur
des anneaux, et plus particulièrement avec les dragons et plusieurs autres éléments, ajoutés en postproduction grâce aux effets visuels.
« Dans la mythologie, les dragons représentent la plus grande peur qu’on ait à affronter. Tolkien connaît les histoires puisque sa mère les lui a racontées, poursuit le réalisateur. À ce moment du film, il a peur de perdre ses amis, il a peur de perdre la femme de sa vie. Et c’est là qu’il confronte sa peur.
« Mon approche a été de faire en sorte que tous ces éléments fantastiques émanent de sa psychologie, de son émotivité.
C’est le combat entre le bien et le mal, l’allégorie du chevalier blanc et du chevalier noir. Lorsqu’il est à la guerre, son esprit devient corrompu, il est détruit par le bain de sang dont il est témoin. […] J’ai approché l’homme d’un point de vue très psychologique. Et je crois que cela montre également la manière dont fonctionnait l’imaginaire de Tolkien », détaille-t-il.
Dome Karukoski, qui a tenu à faire travailler les jeunes acteurs avec leurs collègues plus âgés afin d’assurer une continuité dans le jeu, saisit tout ce que la vie de Tolkien a d’exceptionnel, tant pour lui que pour les lecteurs.
« Lorsque je regarde les événements qui ont façonné l’homme qu’il est devenu, ce qui me frappe, c’est l’espèce de fatalité, de destin. Car c’est au même âge que j’ai découvert ses histoires. » Tolkien a pris l’affiche à travers le Québec le 10 mai.