Le Journal de Quebec - Weekend

APOCALYPSE NOW A 40 ANS !

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

Tout débute lorsque George Lucas fait part de son intention de réaliser The Psychedeli­c Soldier, scénario écrit par John Milius en 1969, avec Francis Ford Coppola comme producteur exécutif. Le futur papa de Star Wars prévoit de tourner son long métrage au Vietnam, comme un faux documentai­re, alors que la guerre y fait encore rage.

Mais la compagnie Warner se désiste, Coppola va tourner Le parrain. Le succès du film en 1972 remet l’idée de The Psychedeli­c Soldier à l’ordre du jour. Mais l’approche n’est plus la même puisque la guerre est terminée. De plus, Lucas est en plein dans Star Wars – qui sortira en 1977 – et il explique à Coppola qu’il peut réaliser le long métrage.

UN TOURNAGE FOU…

La mise en images du scénario de Milius, qui s’inspire de la nouvelle Au

coeur des ténèbres de Joseph Conrad parue en 1899, doit coûter entre 12 et 14 millions $. En 1975, Coppola, alors en train de promouvoir le deuxième volet du Parrain, commence à chercher des lieux de tournage. Le producteur Gray Fredericks­on se rend aux Philippine­s et y rencontre le président Ferdinand Marcos afin de formaliser l’entente selon laquelle le film sera tourné dans le pays. Au départ, le tout doit prendre six mois. Il en faudra plutôt 16. Le cinéaste passera ensuite trois ans à monter Apocalypse

Now en plus d’y investir 30 millions $ de sa poche.

Car le réalisateu­r n’a pas la fin du long métrage. Elle sera écrite à la hâte sur le plateau! De plus, les ennuis s’accumulent. Les hélicoptèr­es prêtés par le gouverneme­nt Marcos sont repris pour aller se battre contre les rebelles. Un typhon détruit les décors et paralyse les équipes pendant deux mois. Marlon Brando menace de partir sans avoir dit une seule réplique, mais en ayant empoché son cachet d’un million de dollars à l’avance.

« C’EST LE VIETNAM »

Les acteurs prennent diverses drogues sur le plateau, encouragés par Coppola. Selon Dennis Hopper, le cinéaste lui fournit de la cocaïne afin qu’il soit en mesure de jouer ses scènes. Les dialogues de Marlon Brando ne sont pas écrits, l’acteur les improvise, ivre mort, devant les caméras. Martin Sheen – Harvey Keitel avait décroché le rôle, mais a été mis dehors deux semaines après le début de la production – est tellement saoul qu’il ne réalise pas qu’il se coupe la main en donnant un coup de poing dans un miroir pour les scènes de début.

Sam Bottoms confie qu’il consommait soit du LSD, soit du cannabis, soit du

speed avant de jouer. Francis Ford Coppola dira plus tard: « Mon film ne traite pas du Vietnam. C’est le Vietnam. Nous avions trop d’argent, trop d’équipement et, petit à petit, nous sommes devenus fous. » Tout est surréalist­e. Coppola doit lire la centaine de pages d’Au coeur des ténèbres à Marlon Brando, qui ne s’est en rien préparé pour son rôle du colonel Kurtz et qui, de surcroît, a pris tellement de poids que le cinéaste doit engager un double pour les plans larges. Les cadavres vus dans le repaire de Kurtz sont des corps déterrés d’un cimetière par un fournisseu­r trop zélé. Coppola et Vittorio Storaro, son directeur de la photograph­ie, se font venir des pâtes fraîches par avion tandis que le reste de l’équipe mange du riz…

Le 10 mai 1979, Apocalypse Now est projeté à Cannes.

La version dure trois heures et est présentée comme inachevée, ce qui ne l’empêche pas de remporter la Palme d’or à égalité avec Le tambour de Volker Schlöndorf­f. Le long métrage récoltera huit nomination­s aux Oscars et deux statuettes.

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Martin Sheen

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