Le Journal de Quebec - Weekend
GRAND ROMAN D’ESPIONNAGE AU FÉMININ
Bien connue pour ses romans historiques et ses histoires cadrées dans le décor époustouflant du Yukon, la Sherbrookoise Mylène Gilbert-Dumas s’est penchée sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale dans son nouveau roman, Le livre de Judith. Intense, intrigant, basé sur des faits réels, ce nouvel opus percutant et original fait la lumière sur le travail des espionnes canadiennes-françaises et sur les camps où elles s’entraînaient.
Le Journal de Québec
En 1939, le destin d’une riche Américaine, Emily Ann Saxby, bascule lorsqu’elle rencontre à Paris un révolutionnaire traqué par les nazis. Pendant que la Deuxième Guerre mondiale éclate en Europe, une jeune Canadienne française, Cécile Maltais, est recrutée par les services secrets britanniques. Plusieurs décennies plus tard, une romancière à succès, Virginie Abigail Constantineau, accepte d’écrire la biographie d’une espionne,
Mylène Gilbert-Dumas a consacré plusieurs mois de travail à la recherche et à la documentation nécessaire pour écrire ce grand roman d’espionnage qui fait découvrir un pan méconnu de notre histoire. Elle souhaitait avant tout parler du rôle des femmes espionnes, très actives pendant cette période.
Ces femmes étaient recrutées dans la jeune vingtaine. « Elles n’étaient pas d’une nature sensible. L’entraînement durait six semaines et ensuite, elles étaient envoyées en Angleterre pour apprendre à encoder et décoder des messages. »
CAMP D’ENTRAÎNEMENT SECRET
Mylène s’est passionnée pour le sujet. « J’ai eu l’impression d’écrire un James Bond au féminin, de nous faire vivre de l’intérieur ce qui se passait. Ça prenait des filles qui avaient des nerfs d’acier. » Elle a fait des découvertes étonnantes. « Il y avait un camp d’entraînement au Canada et on en a entendu parler par le biais d’une série télé, Camp X. Il ne portait pas ce nom à l’époque, mais c’est le nom qu’on lui a donné ensuite. C’était un camp d’entraînement ouvert par les Britanniques, en territoire canadien, pour former les Américains, mais finalement ils ont formé beaucoup de gens pour les parachuter ensuite en zone occupée », explique la romancière.
Ce camp se trouvait dans les environs de Whitby, en Ontario. « C’était un camp ultra-secret. Même le premier ministre n’était pas au courant. Les Britanniques avaient acheté un terrain privé qui donnait directement sur le lac Ontario. Ce camp permettait de former des agents américains, avant même que les Américains soient entrés en guerre. »
Après la guerre, toute trace du camp a été éliminée. « Ils ont tout rasé et mis le feu aux documents. Ils ont fait la même chose en Angleterre. Ce qui est resté a été mis sous scellé. Les informations ont commencé à sortir à partir des années 2000, mais on ne peut pas savoir en quoi consistaient les missions, par exemple, parce qu’il y avait trop de risques de représailles après la guerre. »
PAS DES ENFANTS DE CHOEUR
Les agents de sabotage formés dans ce camp n’étaient pas des enfants de choeur. « On s’entend... ce sont les ancêtres de James Bond. On leur montrait à tuer sans faire de bruit, à mettre des explosifs pour faire sauter des voies ferrées. Je voulais montrer de quoi ça avait l’air. La légende veut que Ian Fleming l’ait suivi, ce cours », dit-elle en faisant référence à l’auteur de la série de romans d’espionnage. « Le dirigeant du camp en 1943, à l’époque de mon roman, est devenu scénariste à Hollywood. »
Les Canadiens français étaient recrutés parce qu’ils pouvaient être parachutés en territoire français en ayant l’avantage de parler la langue de Molière. « On ne connaît pas tous les noms des personnes qui y étaient parce que les documents ont été brûlés, mais sur les photos, il y a des femmes. J’ai décidé de forger des personnages fictifs, mais ce qu’elles font, c’est arrivé pour vrai. » Mylène Gilbert-Dumas est auteure de romans historiques et
populaires, comme Les dames de Beauchêne, Lily Klondike, L’escapade sans retour de Sophie Parent et Yukonnaise. Son oeuvre a été récompensée par plusieurs prix prestigieux.