Le Journal de Quebec - Weekend

ESSAI PERCUTANT SUR LA CULTURE DU LIKE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

L’écrivain américain Bret Easton Ellis, célèbre pour avoir publié le best-seller internatio­nal Moins que zéro à l’âge de 21 ans, pose un regard critique sur la société d’aujourd’hui dans un essai percutant et très personnel, White. En faisant un portrait de son propre parcours de vie, il se questionne sur le pouvoir des réseaux sociaux et la volonté générale d’aplanir toute différence pour avoir une société bien lisse, carburant à la dictature du like.

Dans son livre, Bret Easton Ellis revient sur son enfance dans la Californie des années 1970, alors qu’il pouvait lire tous les livres qui lui plaisaient et aller voir tous les films qu’il souhaitait au cinéma.

Devenu auteur-culte après la publicatio­n des « best-sellers » Moins que zéro et American Psycho, l’écrivain raconte l’envers du décor, commente l’adaptation de ses films (il n’aime pas celle de Moins

que zéro), parle de sa vie privée, de ses préoccupat­ions artistique­s.

AUTOCENSUR­E VOLONTAIRE

Expliquant à quel point les médias sociaux ont commencé à l’irriter, puis carrément à l’inquiéter, il dénonce dans son livre la dangereuse et envahissan­te culture du

like. La complaisan­ce et l’autocensur­e volontaire qui marquent la société américaine ne lui plaisent pas non plus.

Joint à Paris pendant une tournée de promotion européenne, Bret Easton Ellis explique la différence entre son enfance dans les années 1970 et celle des millénaria­ux, maintenant jeunes adultes.

« Nous vivions dans un monde qui était fait pour les adultes et nous devions y évoluer. Nos parents ne nous protégeaie­nt pas de tout et on nous ignorait, dans la majorité des cas. Pour cette raison, nous pouvions trouver notre place dans un monde d’adultes », dit-il.

« Plusieurs personnes m’écrivent en me disant qu’ils ne partagent pas nécessaire­ment mes opinions politiques, mais ils sont d’accord avec les opinions exprimées dans mon livre. Les médias mains

tream n’aiment pas le livre, mais il y a une majorité de lecteurs qui y répondent et qui sont d’accord avec mes propos. »

Le culte du like, qu’il dénonce dans son livre, et cette volonté d’aplanir les différence­s et de censurer les idées le dérangent. « C’est un problème pour un artiste, une personne créative, une personne qui écrit des livres, des films, de la musique. Le fait qu’on ne puisse pas dire certaines choses est nouveau. Je ne suis pas certain de la manière dont cela fera progresser les arts et notre culture. »

« Si une culture est tellement préoccupée par une idéologie, et par le fait de dire la bonne chose, ce n’est plus une culture qui se préoccupe des arts. Cela ne permet pas aux artistes de parler librement et ça m’inquiète beaucoup. »

PEUR

Les réseaux sociaux lui font peur. « Je me suis inquiété, au cours des dernières années, du fait qu’on n’a plus de liberté d’expression. Il y a l’illusion d’avoir une liberté d’expression. Si on a une opinion différente, si on fait certaines blagues, si on examine les choses d’un angle différent de celui du groupe, on risque d’être banni, annulé, d’être considéré comme sexiste ou raciste. Nous sommes entrés dans une ère de nouveau puritanism­e. » Il a changé sa relation avec Twitter, par exemple, préférant s’exprimer sur son podcast, où il peut fournir les informatio­ns nécessaire­s pour placer ses propos dans leur contexte. « Twitter, c’était amusant : on pouvait écrire une blague, écrire quelque chose d’outrancier, on voyait les gens réagir, puis on passait à autre chose. Maintenant, les gens regardent un tweet et portent un jugement sur l’entière humanité de cette personne et si ça ne fait pas leur affaire, ils la rejettent d’emblée. » Bret Easton Ellis est né à Los Angeles en 1964. Il est devenu célèbre avec son premier roman, Moins que zéro (1985), adapté au cinéma, et avec Ameri

can Psycho, aussi adapté au cinéma. Il a publié Lunar Park et Suite(s)

impériale(s), entre autres.

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