Le Journal de Quebec - Weekend

PORTRAIT D’UNE SOCIÉTÉ EN CHANGEMENT

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Drôle, émouvante, mordante, la romancière Marie Gray s’est inspirée de scènes de la vie quotidienn­e pour écrire son nouveau roman, Sois belle et tais-toi. À travers l’histoire de Mylène, une femme qui voit sa vie de couple éclater et qui doit se tenir debout, elle rend hommage à ceux et celles qui rêvent de relations saines et respectueu­ses entre les hommes et les femmes.

En apparence, Mylène a tout pour être heureuse. Son mari Stéphane est un bel homme, un mari attentionn­é en dépit de quelques attitudes douteuses.

Elle choisit d’ignorer les signaux d’alarme qui indiquent que quelque chose ne va pas, même lorsque ses copines, Josée et Cynthia, s’inquiètent.

Puis la réalité lui saute aux yeux et son petit monde vole en éclats.

« Sois-belle et tais-toi, c’est large », dit Marie Gray, qui n’en peut plus d’entendre l’expression « un gars, c’t’un gars ».

« Je parle autant de la mentalité que les femmes ont subie, souvent en se faisant dire : endure et ferme ta gueule, que de notre façon à nous de nous taire sur des affaires qu’on n’aime pas, dont on est témoin... et dont on ne dit rien. Je connais plein de femmes dont le conjoint fait des jokes de mononcle sur les adolescent­es. Jamais elles ne le reprennent. Le fils entend ça et reproduit ça. »

« Le mouvement #MeToo a changé certaines choses, mis en lumière des situations qui n’étaient pas évidentes pour beaucoup de monde, mais il y a encore de gros bémols. La différence entre le harcèlemen­t et la séduction, ce n’est pas encore clair. C’est pas facile pour un gars, de ce temps-ci, qui veut cruiser une fille ! » note l’auteure, qui est une fine observatri­ce de la société d’aujourd’hui.

EXPÉRIENCE

Une scène du roman, qui se déroule dans un restaurant, est transposée d’un cas que l’écrivaine a elle-même vécu.

« Ça m’est arrivé de m’être fait pincer une fesse, à 17 ans, pendant que je travaillai­s. Les gros colons d’hommes d’affaires en vacances de leur femme pendant une fin de semaine se croyaient tout permis. Ma patronne n’a pas réagi. Elle m’a dit : ça n’a jamais tué personne... le client a toujours raison. »

Marie Gray est heureuse de voir que les mentalités ont changé depuis cet événement qui s’est produit il y a 35 ans... mais ne voudrait pas que le mouvement #MeToo s’essouffle.

LE FÉMINISME

Cela dit, elle rappelle qu’elle a écrit un roman avant tout, et non un essai féministe.

« Pour moi, c’était important aussi de montrer des facettes différente­s du féminisme. C’est un mot qui fait peur. Josée, dans le roman, est très engagée, très radicale, mais toutes les féministes ne sont pas comme elle. »

Mylène aussi, à sa façon, est féministe, commente-t-elle. « Ça lui prend du temps pour se réveiller... mais il y a une évolution dans sa compréhens­ion de ce qui se passe. Ça n’empêche pas qu’elle aime le sexe, elle aime la séduction, que ça fait partie de sa vie et qu’elle trouve ça important. »

« Souvent, on s’imagine que les féministes sont des espèces d’enragées, pas féminines pantoute... C’est une perception qui n’est pas juste. Cette vision du féminisme perdure, mais il est temps que ça change. »

Marie voulait d’abord raconter une bonne histoire sans tomber dans le cliché du male bashing et écrire un roman réaliste, où il est facile de trouver ses repères parce qu’on a le sentiment d’entendre parler du « vrai monde ».

« Le portrait des relations hommesfemm­es, en 2019, me fascine. Je voulais montrer que les choses ne sont pas toujours telles qu’elles semblent. »

Marie Gray a écrit les fameuses

Histoires à faire rougir, qui se sont écoulées à plus d’un million d’exemplaire­s.

Elle a aussi écrit la série Baiser, vendue à plus de 30 000 exemplaire­s, et plusieurs romans pour ados.

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MARIE GRAY

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