Le Journal de Quebec - Weekend
À QUI PEUT-ON VRAIMENT SE FIER ?
Écrivain extraordinaire, le Français Didier van Cauwelaert s’est inspiré d’une situation en apparence banale – le remorquage d’un véhicule – pour créer une magnifique histoire qui analyse les failles de la société actuelle dans son nouveau roman, La personne de confiance. Drôle, mais aussi loufoque, décapant, tendre à la fois, cette histoire montre tant le côté bienveillant des gens que la dureté des grandes multinationales.
Didier van Cauwelaert, auteur des best-sellers Jules et Le retour de Jules, a imaginé ce roman en voyant, un jour, un gars de la fourrière enlever une voiture aux vitres fumées garée en bordure d’une rue.
« Je me suis dit que ce serait drôle qu’il y ait quelqu’un à l’intérieur et que ça déclenche une rencontre complètement inattendue avec le conducteur qui est en faute », partage-t-il, en entrevue.
Qui pouvait bien être assis à l’intérieur de cette voiture? Et si c’était une dame âgée dont la famille essaie de se débarrasser? Une dame immensément riche ?
« Le type de la fourrière deviendrait, en quelque sorte, son sauveteur. » Cette dame est devenue Madeleine, une Bretonne de 93 ans, héroïne de la Seconde Guerre mondiale et chef d’une multinationale.
Après avoir retrouvé toute sa lucidité – on lui avait prescrit un cocktail de médicaments qui l’avait mise hors jeu – Madeleine désigne Max comme sa personne de confiance, un statut qui existe en France, dans le Code général de la santé.
« On peut choisir la personne de confiance parmi les inconnus, la rendre décisionnaire », explique-t-il. « C’est de plus en plus utilisé parce qu’il y a eu des cas d’abus de faiblesse et des cas où la famille essayait de faire passer une personne pour démente, ou pour l’acharnement thérapeutique quand la personne n’en veut pas. »
MAX, EN GARDE À VUE
Le personnage de Max, le gars de la fourrière, démontre son grand coeur, en dépit de ses failles et de ses erreurs, et il se retrouve plongé bien malgré lui dans une aventure complètement loufoque. Il est en garde à vue quand il raconte ce qui lui est arrivé.
« J’aime bien ces personnages qui ne se résument pas à leur métier, à leur origine, qui sont des cabossés généreux de la vie. Ces gens qui sont abandonnés, et qui tout à coup ont cette hyper lucidité, qui ont la confiance des personnes qui se servent d’eux, qui les traitent mal. Ce caractère m’intéresse beaucoup chez les gens : il y a une bienveillance active, en même temps qu’une grande lucidité et un code moral derrière le côté un petit peu malin et roublard par moment. »
LA RICHE MADELEINE
Max Médard s’est vite attaché à Madeleine, cette belle Bretonne immensément riche, héritière de la compagnie de biscuits qu’elle a jadis fondée. Avec elle, Didier van Cauwelaert souhaitait faire ressortir une situation ambiguë. « Ce n’est jamais tout blanc ou tout noir », dit-il. « Oui, il y a une situation où l’on essaie de se débarrasser d’elle... mais en même temps, c’est quelqu’un qui manipule aussi. C’est quelqu’un qui peut être très dur, qui n’a jamais donné à son neveu ce qu’elle donne en même pas 24 heures à un inconnu. Je voulais que le lecteur soit en grande sympathie avec cette vieille dame, tout en se rendant compte que c’est une héroïne, mais aussi une personne invivable. »
DIDIER VAN CAUWELAERT — LA PERSONNE DE CONFIANCE
Didier van Cauwelaert cumule les succès et les prix littéraires. Il a reçu le prix Goncourt en 1994 pour Un aller simple. La comédie musicale Le Passe-muraille, créée avec le regretté Michel Legrand, est présentée à Londres. Didier van Cauwelaert signe le livret français original. Un autre projet, L’amour fantôme, inédit, sera aussi créé sans Michel Legrand. Il a écrit une nouvelle pièce qui sera jouée l’an prochain et a déjà un autre livre en chantier. Il est déjà question d’une adaptation au cinéma et au théâtre pour La personne de confiance.