Le Journal de Quebec - Weekend
ENFANTS AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
Louis Morissette tient à rester vague sur l’histoire de son nouveau film, Le guide de la famille parfaite. Un indice : pensez enfants aux horaires surchargés, futurs champions de skinatation-judo-échecs-alouette, stimulés à outrance par des parents soucieux de les voir réussir à tout prix.
« Parfois, on voit une bande-annonce, et on a l’impression d’avoir tout vu le film. Donc, à ce jour, j’essaie de maintenir une certaine surprise et de garder le message autour de mon idée première d’écriture, c’est-à-dire l’anxiété de performance et comment les parents étouffent leurs enfants », a expliqué Morissette en entrevue, sur le plateau du deuxième long métrage qu’il écrit (avec Jean-François Léger et François Avard) et produit, en plus d’y tenir le rôle principal.
Jeudi matin, à l’intérieur d’une maison anonyme de Boucherville, le réalisateur Ricardo Trogi supervisait une scène de déjeuner familial qui tourne mal, situation connue dans bien des chaumières.
« Quand j’étais jeune, on avait du temps pour ne rien faire, pour s’imaginer un monde. Aujourd’hui, c’est quelque chose qui n’existe plus. Un enfant qui ne fait rien, les parents capotent et voient ça comme une perte de temps », a néanmoins détaillé Louis Morissette pour expliquer l’intrigue de sa nouvelle oeuvre.
« Ça va occasionner beaucoup de discussions sur ce sujet-là, a ajouté Ricardo Trogi. Ça va peut-être allumer la prise de conscience chez des gens qui pensent qui l’ont, l’affaire, qui vont réaliser que ça peut leur arriver. Ou alors, ils vont faire du déni. C’est un bon feu de camp autour duquel aller jaser! »
PAPA INSISTANT
La « famille parfaite » du titre prend ici les traits de Martin Dubois (Louis Morissette), sa fille Rose, 16 ans (Émilie Bierre, qui s’est teint les cheveux en brun pour les besoins du rôle), sa conjointe des 10 dernières années, Marie-Soleil (Catherine Chabot, révélée cet été au grand écran dans Menteur), et leur garçon, Mathis (Xavier Lebel).
Gilles Renaud, Louise Portal et Alexandre Goyette incarnent aussi des membres du clan Dubois, et Isabelle Guérard personnifie Caroline, la maman de Rose, peu présente dans sa vie.
Qu’arrivera-t-il donc aux Dubois pour que leur existence remplie de bonnes intentions bifurque sous nos yeux?
D’abord, la différence d’âge entre Rose et Mathis déboussolera un tantinet Martin, qui devra repenser ses méthodes d’éducation, auprès d’une partenaire qui préfère en faire trop que pas assez pour bien élever fiston.
Émilie Bierre laisse entendre que Rose, une gamine introvertie jusque-là sans reproches, cultive un jardin secret et craquera peut-être sous la pression. Aussi, Louis Morissette se borne à répondre qu’à vouloir être trop protecteur envers sa fille pour compenser l’absence de la mère, son Martin nuira peut-être davantage à l’adolescente qu’il ne l’aidera.
« On veut souvent tout savoir de nos enfants, mais ce ne sont pas nos amis, signale Louis Morissette. Martin est un père assez insistant, qui réalisera que le problème n’est peut-être pas son enfant, mais lui-même. Il va travailler là-dessus. »
« Ici, j’apprends plus comme spectateur que comme réalisateur, a pour sa part avoué Ricardo Trogi. La réflexion sur la façon de gérer une ado de 16 ans qui ne “file” pas, c’est quelque chose qui me guette. Ça me fait peur, et ça me soulage en même temps de voir un père malhabile. »
SEMBLABLE AU MIRAGE
L’évocation de la collaboration Morissette-Trogi rappelle évidemment
Le Mirage, portrait de la société de consommation moderne fignolé par le tandem et sorti en 2015. Avec Le guide…, les deux créateurs promettent une comédie dramatique familiale douceamère à l’image du Mirage, où l’humour grinçant mène parfois au drame pur. Un mélange des genres, avoue Morissette, qui lui a même un peu nui dans la vente du Mirage à l’étranger, à l’époque.
« Il y aura des petits bouts de froids, de malaises. Je pense que c’est plus universel que Le Mirage, parce que ça parle d’une famille, mais on ne passe pas à côté de ma façon d’écrire, de mon ton et mon style. »
Entamé il y a trois semaines, le tournage du Guide de la famille parfaite se poursuit jusqu’au 20 octobre à Boucherville, Mont-Saint-Hilaire et Montréal. Le film prendra l’affiche à l’été 2020.