Le Journal de Quebec - Weekend

SCANDALES À SAINT-LÉON-DE-STANDON

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Excellent dans l’art de raconter des histoires du « bon vieux temps », le journalist­e émérite et désormais écrivain Daniel Lessard a sorti des squelettes du placard en racontant l’incroyable épopée des trois cimetières de Saint-Léon-deStandon. Il fait revivre un curé monstrueux et ses ouailles terrifiées dans un nouveau roman à lire absolument, La dalle des morts.

Histoire insolite, tragique, macabre, ahurissant­e, La dalle des morts fait revivre des événements qui se sont produits entre 1938 et 1946 à Saint-Léon-deStandon, un petit village juché dans les hauteurs des Appalaches, dans le comté de Dorchester.

La guerre ouverte entre un curé fou à lier et les habitants, à propos de l’emplacemen­t d’un nouveau cimetière, a créé des traumatism­es qui ont laissé des traces jusqu’à nos jours.

HISTOIRES INCROYABLE­S

Daniel Lessard n’en revient toujours pas des histoires qui lui ont été racontées par les habitants de Saint-Léon, où il s’est rendu pour recueillir des témoignage­s et effectuer ses recherches.

« C’est inimaginab­le, ce qui s’est passé ! » commente-t-il en entrevue. « Même à l’évêché, ses archives ne sont pas disponible­s », ajoute-t-il en parlant du curé dont il est question dans son roman. « C’était vraiment un monstre. »

Daniel Lessard est tombé sur cette histoire de curé détestable après avoir écrit

Maggie. Un lecteur, Alfred Beaudoin, lui a écrit pour lui parler de l’histoire des trois cimetières de Saint-Léon. Il l’a référé à un documentai­re réalisé il y a une vingtaine d’années par Brigitte Nadeau.

Il a décidé de se lancer, à l’invitation de l’ancienne présidente de la Société d’histoire de Saint-Léon, feue Françoise Bourgault.

« J’étais déjà allé dans le village, quand j’avais 15 ou 16 ans, pour jouer au hockey. J’ai 72 ans, alors tu t’imagines que ça a changé depuis ce temps-là », dit-il en entrevue.

Françoise Bourgault et Florian Guay, l’ancien député créditiste du coin, lui ont fait faire une visite VIP, pendant l’automne 2018. Un monsieur presque centenaire – M. Noël – a partagé ses souvenirs. Les gens lui ont raconté l’épopée du curé Verreault et son obsession à vouloir enterrer les défunts dans un nouveau cimetière, en bordure de la rivière Etchemin.

« Je n’en revenais pas d’entendre ces histoires-là. Ça me dépassait. Et je me suis dit OK, je vais bâtir un roman autour de ça. »

VÉRITÉ ET FICTION

« Il y a beaucoup de faits qui sont véridiques, d’autres que j’ai inventés, comme les histoires d’amour, mais j’ai gardé le fond historique le plus possible. La plupart des histoires sont arrivées telles quelles : le curé s’est fait donner des coups de pied dans le cul. Mais il était têtu, c’était épouvantab­le. C’était une obsession. C’était maladif. »

La guerre concernait l’aménagemen­t d’un nouveau cimetière paroissial, le cimetière d’alors étant au maximum de sa capacité. Le choix du curé, arrivé en 1936, s’est porté sur un terrain appartenan­t à la Fabrique, où l’eau jaillissai­t très près de la surface.

« Mais ça change quoi? » a demandé Daniel Lessard à une paroissien­ne. « Elle m’a dit: “C’est une question de respect des morts. De savoir que ton mari ou ton père ou qui que ce soit baigne dans l’eau, c’est inacceptab­le, ça me donne des frissons, ça me vire à l’envers.” »

« LA CHICANE A POGNÉ »

L’auteur ajoute que « la chicane a pogné » lorsque la première fosse creusée dans le nouveau cimetière s’est remplie d’eau. Le village s’est coupé en deux: ceux qui obéissaien­t au curé et ceux qui se rebellaien­t.

« Ils en sont venus à construire leur propre cimetière – il y en a trois dans le village. Le cardinal a refusé de le bénir. Il a défendu le curé même si c’était indéfendab­le. Il y a encore des familles qui se parlent à peine, aujourd’hui. »

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