Le Journal de Quebec - Weekend

RETROUVAIL­LES ATTENDUES

Les carrières de Ludivine Reding et Jean-François Ruel se scindent en deux parties : l’avant Fugueuse et l’après- Fugueuse. En entrevue au Darling, un café-bar du boulevard Saint-Laurent à Montréal, les deux amis se rappellent avec bonheur le mélange d’e

- MARC-ANDRÉ LEMIEUX Le Journal de Montréal marc-andre.lemieux @quebecorme­dia.com

On comprend l’actrice d’être aussi fébrile. En démystifia­nt l’univers violent et brutal de l’industrie du sexe au Québec, Fugueuse est devenue un véritable phénomène de société dès son entrée en ondes. Pendant des mois, Ludivine Reding a été submergée de centaines – voire de milliers – de messages de femmes ayant traversé des épreuves semblables. Encore aujourd’hui, elle en reçoit une demi-douzaine chaque semaine.

L’histoire de Fanny, cette adolescent­e de bonne famille qui amorce une longue descente aux enfers après s’être amourachée d’un proxénète prénommé Damien, a également enchanté la critique, récoltant au passage plusieurs nomination­s aux prix Gémeaux. En d’autres termes, la deuxième saison de

Fugueuse est attendue. « Ce serait un gros mensonge pour moi de dire que je n’y ai jamais pensé pendant qu’on tournait, admet Ludivine Reding au Journal. Ça m’a rendue encore plus critique envers mon travail, envers le show. Parce que j’ai envie qu’on livre quelque chose d’aussi bon. »

« Il fallait entrer dans le projet avec la même naïveté qu’on avait la première fois, quand on n’avait aucune idée, ajoute-t-elle du même souffle. C’est dur de faire abstractio­n des attentes, mais on avait tellement une belle équipe de tournage que j’ai réussi à tout oublier. C’est depuis qu’on a terminé que c’est moins évident… »

PRESSION

Pour Jean-François Ruel, ancienneme­nt du groupe Dead Obies, qui poursuit depuis une dizaine d’années une carrière de rappeur sous l’alias Yes McCan, la seule pression qu’il a ressentie est celle qu’il s’est lui-même imposée.

« Dans Fugueuse, je suis un interprète. Quand je recevais les textes, j’avais juste la pression de bien jouer mon rôle. Que ce soit dans un court métrage étudiant ou dans une grosse série comme Fugueuse, c’est la même pression : je capote d’avoir l’air cave ou non. »

C’est d’ailleurs cette crainte de mal paraître qui l’avait assailli juste avant d’entamer le tournage des premiers épisodes, en 2017. « J’étais rempli de doutes: “Est-ce que je m’en vais jouer la parodie d’un rappeur? Est-ce que je m’en vais faire Watatatow?” J’avais peur de perdre ma crédibilit­é dans l’univers d’où je venais. »

Finalement, Jean-François Ruel n’avait rien à craindre. Son portrait de Damien, un proxénète/chanteur de hip-hop, s’est tenu loin des clichés. Et rapidement, ce pimp en puissance est devenu le méchant qu’on aimait détester.

ENCORE PLUS DE SUSPENSE

Aux dires des interprète­s, la suite de Fu

gueuse tiendra les téléspecta­teurs en haleine à grands coups de rebondisse­ments. Parue le mois dernier, la bande-annonce semble leur donner raison. Damien, Natacha et Carlo y apparaisse­nt aux côtés d’une nouvelle cuvée de personnage­s, dont Daisie et Yohan. Quant à Fanny, on sent qu’elle n’a toujours pas réussi à chasser ses démons.

Une semaine après son arrivée sur internet, le montage de 60 secondes avait généré plus d’un million de visionneme­nts et 3000 commentair­es sur Facebook. « C’est dur de parler du show sans brûler de punchs », concède Ludivine Reding.

Pour sa part, Jean-François Ruel souhaite que Fugueuse serve d’exemple aux auteurs et producteur­s télé. « J’espère qu’ils vont continuer à pousser pour créer des séries qui sortent un peu du salon/cuisine. La première saison, on avait des gros chars, on allait dans des clubs… J’aime la fiction pour pouvoir m’échapper. En checkant un film d’alpiniste, je peux vivre plein d’affaires pendant une heure et demie : gravir le mont Everest, perdre une jambe… Et quand j’éteins la télé, je suis safe. C’est ce qui manque au divertisse­ment québécois. »

SUITE INESPÉRÉE

La suite de Fugueuse était inespérée. Au départ, la série ne devait durer qu’une seule saison. Mais devant l’engouement du public pour Fanny et compagnie, TVA en a commandé une autre.

Jean-François Ruel a appris qu’il participer­ait aux nouveaux épisodes le printemps dernier. « Quand j’ai vu ce que j’avais à faire, j’étais vraiment content, raconte le jeune homme de 28 ans. J’étais content de pouvoir pousser mon rôle encore plus loin. »

Tout comme son partenaire de jeu, Ludivine Reding n’a pas mis beaucoup de temps à retrouver son personnage. Une fois les premiers coups de manivelle donnés, tout était rentré dans l’ordre.

« C’est comme si Fanny ne m’avait jamais quittée, soutient l’actrice de 22 ans. Je m’en fais encore parler tous les jours ! Fanny, ce n’est pas moi, mais elle n’est quand même pas loin. J’y ai tellement mis mon corps, mon coeur et mon âme qu’elle est revenue tout de suite. »

DU TOUT AU TOUT

La première saison de Fugueuse « a tout changé » pour Ludivine Reding et Jean-François Ruel. Du jour au lendemain, le Québec en entier connaissai­t leurs noms et surtout, leurs visages.

« On a été chanceux d’avoir un réalisateu­r, un réseau et une boîte de production qui étaient prêts à prendre un risque en engageant des inconnus, souligne Jean-François Ruel. Dans un marché en chamboulem­ents, le monde préfère souvent les trucs safe, les gros noms rentables. » « J’étais zéro connue avant

Fugueuse, renchérit Ludivine Reding. Quand la série a commencé, dans la rue, les gens me disaient : “Fanny, attention ! Damien est pas loin !” Chaque fois que j’entrais dans un bar, les gens mettaient la toune ( Désirée, de Yes McCan, qu’on entend à profusion au cours des dix premiers épisodes). C’était fou ! »

EFFET DURABLE

Deux ans plus tard, l’effet Fugueuse ne s’est toujours pas dissipé, et Ludivine Reding est toujours aussi reconnaiss­ante d’avoir décroché cet important contrat.

« C’est le plus beau projet que j’ai fait à date, souligne celle qui s’est également illustrée dans Clash, La dérape et Cerebrum. C’est rare des rôles féminins pour mon âge où t’as autant de choses à jouer. Souvent, t’es juste “la fille de”… Fugueuse m’a donné un élan, un boost de confiance. Ça m’a donné le goût de relever de nouveaux défis et d’aller encore plus loin. »

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