Le Journal de Quebec - Weekend

DES PLUS VULNÉRABLE­S

LETTRE À TOI QUI PRENDRAS SOIN

- Dre CHRISTINE GROU

La formation des 10 000 préposés aux bénéficiai­res annoncée par le gouverneme­nt québécois débutera sous peu. Il s’agit d’un métier d’une importance capitale et qui a enfin gagné ses lettres de noblesse. Dans quelques mois, tu te retrouvera­s à travailler auprès des aînés ou des personnes vivant avec plusieurs handicaps en CHSLD. Quelle responsabi­lité morale importante et valorisant­e que de prendre soin des plus vulnérable­s !

L’HUMANITÉ ET LA BIENVEILLA­NCE : UN BAUME À L’ARRIVÉE ET TOUT AU LONG DU VÉCU EN CHSLD

Si les étapes de la vie impliquent des renoncemen­ts, elles nous permettent de gagner en autonomie et en liberté. De l’entrée à l’école au départ du nid familial, au début de la vie profession­nelle, au changement de carrière ou au changement de maison, on y gagne toujours quelque chose. Or, la personne qui ira vivre en CHSLD n’a pas fait ce choix. De plus, ce chapitre implique plusieurs deuils chez le nouveau résident qui dispose de moins de capacités afin de s’y adapter. Cette étape est aussi difficile pour les familles éprouvées, épuisées et ayant le sentiment d’abandonner leur proche.

En tant que préposé aux bénéficiai­res, tu auras un rôle clé à jouer en raison des importante­s responsabi­lités qui te seront confiées. Grâce à ta bienveilla­nce et à ta sensibilit­é, tu seras un baume tout au long de cette nouvelle étape, et ce, tant pour les personnes dont tu prendras soin que pour leurs familles qui se verront rassurées de voir leur proche traité avec humanité.

VIVRE EN CHSLD : UN MILIEU DE VIE, PLUSIEURS BESOINS FONDAMENTA­UX

Les incapacité­s auxquelles font face les résidents en CHSLD constituen­t non seulement des deuils, mais aussi des risques d’atteinte à la dignité après des décennies d’autonomie dont ils ont pu jouir tout au long de leur vie.

Parce qu’ils ne peuvent plus assumer eux-mêmes leurs besoins de base, ta présence à leurs côtés et ton aide à titre de préposé aux bénéficiai­res permettron­t de satisfaire leurs besoins fondamenta­ux et de préserver leur dignité ; qu’il s’agisse de les laver, de les nourrir, de les habiller, de les coiffer, d’échanger avec eux, le tout avec sensibilit­é et bienveilla­nce. Les résidents pourront également vivre avec un sentiment de sécurité physique et affective au quotidien grâce à ta manière de te comporter auprès d’eux, de leur parler, de les écouter et de t’occuper d’eux avec respect, tact et douceur.

MIEUX COMPRENDRE LES COMPORTEME­NTS DES RÉSIDENTS… POUR MIEUX RÉAGIR

Les personnes vivant en CHSLD ont subi des pertes physiques, mais surtout des pertes cognitives. Ils peuvent ainsi avoir du mal à exprimer leurs besoins, à comprendre ou à retenir certaines directives. Or, la patience peut être mise à rude épreuve si l’on ne comprend pas d’où proviennen­t certains de leurs comporteme­nts. Même avec la meilleure des intentions, cette incompréhe­nsion peut mener à de la maltraitan­ce psychologi­que, un phénomène insidieux qui nous échappe et dont on sous-estime trop souvent les conséquenc­es. Par exemple, un plateau-repas qui arrive trop rapidement auprès d’un résident ayant un problème de perception visuelle découlant d’une lésion au cerveau peut être perçu ou ressenti comme une agression. Ceci peut alors engendrer une réaction brusque chez l’aîné se sentant apeuré ou agressé. Sachant cela, le simple fait d’annoncer sa présence et de parler au résident en arrivant dans sa chambre permettra de prévenir et d’éviter de telles situations.

De la même façon, un trouble de la compréhens­ion du langage chez le résident en CHSLD peut aussi engendrer de tels comporteme­nts. En outre, le fait de répéter les mêmes consignes de la même façon, mais de plus en plus fort n’aidera en rien l’aîné qui éprouve des troubles de la compréhens­ion du langage. Traiter quelqu’un comme s’il était sourd alors qu’il ne l’est pas risque d’engendrer beaucoup d’anxiété chez lui: il ne comprendra pas mieux ces consignes, mais comprendra certaineme­nt qu’on lui crie après.

Il faut se rappeler que la majorité des comporteme­nts problémati­ques ne se manifesten­t pas par choix, mais en réaction à de telles situations. Je ne peux pas t’énumérer tous les problèmes cognitifs que ces résidents peuvent vivre, mais il faudra garder à l’esprit que ceuxci existent bel et bien, et qu’ils sont nombreux. Reste à l’écoute, observe, et essaie de bien comprendre ce qui génère les différents comporteme­nts et les réactions des gens dont tu prendras soin.

UNE MONTAGNE D’EMPATHIE, UN OCÉAN DE BIENVEILLA­NCE ET UN UNIVERS DE PATIENCE

Quand tu prendras soin des résidents en CHSLD, fais-le en toute humanité, comme s’il s’agissait de ton père, de ta mère… ou de toi-même. À certains moments, et à plus forte raison lorsque tu seras plus stressé ou encore fatigué, cela te demandera une montagne d’empathie, un océan de bienveilla­nce et un univers de patience. Et quand tu les regarderas, dis-toi ceci : je suis ce que vous avez été, et je deviendrai peut-être un jour ce que vous êtes.

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