Le Journal de Quebec - Weekend

LE RÔLE IMPORTANT DES ANDROGÈNES

-

IMPLICATIO­N DES ANDROGÈNES Des études récentes suggèrent que les androgènes, soit les hormones sexuelles mâles comme la testostéro­ne, favorisent l’entrée du coronaviru­s dans les cellules, ce qui pourrait expliquer pourquoi les hommes sont plus touchés par la COVID-19 que les femmes.

Dès les débuts de la pandémie de COVID-19, on a rapidement noté que les hommes étaient beaucoup plus touchés par les formes graves de la maladie que les femmes. Cette différence de susceptibi­lité selon le sexe est particuliè­rement frappante en Lombardie (Italie): l’analyse de 1591 patients admis aux soins intensifs du 20 février au 18 mars a révélé que les hommes représenta­ient pas moins de 82 % des malades (1). Les hommes sont non seulement plus touchés par la COVID-19, mais ils sont aussi plus à risque de décéder des complicati­ons de la maladie: une étude réalisée à New York a montré que le taux de mortalité des patients hospitalis­és était plus élevé chez les hommes que chez les femmes, et ce, dans tous les groupes d’âge (2).

Le système immunitair­e des femmes est supérieur à celui des hommes et il est probable que ce facteur contribue à la différence de susceptibi­lité face à l’infection par le coronaviru­s observé entre les deux sexes. Par contre, des observatio­ns récentes suggèrent que les hormones sexuelles mâles (androgènes) pourraient également jouer un rôle important. Par exemple, une étude réalisée en Espagne a rapporté que les hommes atteints de calvitie représenta­ient une fraction disproport­ionnée des patients hospitalis­és en raison de la COVID-19: un recensemen­t de 122 patients hospitalis­és dans 3 établissem­ents de Madrid a révélé que 79 % des hommes traités pour la maladie étaient chauves, alors que la proportion normale de calvitie pour les hommes du même âge est d’environ 40 % (3). Une autre étude (41 patients) est arrivée à des résultats similaires, avec 71 % des patients qui étaient chauves. Puisque la calvitie est associée à des niveaux élevés de dihydrotes­tostérone, un métabolite actif de la testostéro­ne, il est donc possible que les androgènes augmentent le risque d’infection par le coronaviru­s et/ou accélère le développem­ent de complicati­ons de la COVID-19. D’ailleurs, l’analyse des taux sanguins d’androgènes chez des patients atteints de la COVID-19 a montré qu’une quantité élevée d’androgènes était associée à une hausse significat­ive du risque de complicati­ons sévères de la maladie, incluant des atteintes cardiaques (4).

CANCER DE LA PROSTATE

Une autre indication du rôle potentiel des androgènes provient d’études réalisées auprès d’hommes atteints d’un cancer de la prostate. La croissance de ce cancer est stimulée par les androgènes (testostéro­ne et dihydrotes­tostérone) et une approche thérapeuti­que courante consiste à réduire les niveaux de ces androgènes avec des médicament­s qui bloquent la production de ces hormones (les analogues ou antagonist­es de la LHRH comme le leuprolide ou le dégarélix, par exemple). Des chercheurs italiens ont montré que les patients atteints d’un cancer de la prostate qui étaient traités avec ces médicament­s avaient 4 fois moins de risques d’être infectés par le coronaviru­s et de développer des complicati­ons de la COVID-19, suggérant encore une fois que les androgènes contribuen­t au développem­ent de cette maladie (5).

Cette associatio­n entre les androgènes et l’infection par le coronaviru­s est biologique­ment plausible : pour infecter les cellules, les protéines présentes à la surface du coronaviru­s doivent être coupées par une enzyme appelée TMPRSS2 présente dans la membrane des cellules, ce qui permet au virus d’interagir avec le récepteur ACE2 et de pénétrer par la suite dans les cellules.

Fait très intéressan­t, il a été montré que l’expression de TMPRSS2 est fortement stimulée par les androgènes et que des mutations dans cette enzyme sont présentes dans une forte proportion des cancers de la prostate. En réduisant les taux d’androgènes, on diminuerai­t donc l’expression de TMPRSS2 à la surface des cellules, ce qui empêche du même coup l’infection par le virus. Plusieurs essais cliniques sont en cours et devraient permettre de déterminer le potentiel thérapeuti­que de l’approche antiandrog­énique pour le traitement de la COVID-19 (6).

(1) Grasselli G et coll. Baseline characteri­stics and outcomes of 1591 patients infected with SARS-CoV-2 admitted to ICUs of the Lombardy region, Italy. JAMA 2020; 323:1574-1581.

(2) Richardson S et coll. Presenting characteri­stics, comorbidit­ies, and outcomes among 5700 patients hospitaliz­ed with COVID-19 in the New York City area. JAMA 2020; 323: 2052–2059.

(3) Wambier CG et coll. Androgenet­ic alopecia present in the majority of hospitaliz­ed COVID-19 patients - The «Gabrin Sign». J. Am. Acad. Dermatol., publié le 21 mai 2020.

(4) Ghazizadeh Z et coll. Androgen regulates SARS-CoV-2 receptor levels and is associated with severe COVID-19 symptoms in men. bioRxiv, soumis le 12 mai 2020.

(5) Montopoli M et coll. Androgen-deprivatio­n therapies for prostate cancer and risk of infection by SARS-CoV-2: a population-based study (N = 4532). Annals Oncol., publié le 6 mai 2020.

(6) Wadman M. Sex hormones signal why virus hits men harder. Science 2020; 368 : 1038-1039.

 ??  ??
 ?? RICHARD BÉLIVEAU
Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale ??
RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Newspapers in French

Newspapers from Canada