Le Journal de Quebec - Weekend
SE RETROUVER GRÂCE À LA LITTÉRATURE
Partie du Québec depuis 17 ans, Marie-Ève Lacasse s’est interrogée sur son identité, sur les raisons qui l’ont poussée à partir pour ne plus revenir, et sur tous les changements qui se sont opérés dans sa vie au cours des dernières années. Dans son cinquième livre, Autobiographie de
l’étranger, elle tente de comprendre le monde qui l’a faite, et examine son rapport au corps, à l’amour, à la maternité, à la littérature.
MARIE-FRANCE BORNAIS
Jointe à Paris pendant la période de confinement, Marie-Ève Lacasse commente son nouveau livre avec beaucoup de gentillesse. Avec une plume magnifique, sensible et limpide, elle y aborde différents thèmes : la quête d’identité, l’amour, la vie familiale et le rôle de mère, l’impact des ruptures. Des sujets universels.
Comme artiste, dit-elle, elle souhaitait explorer une nouvelle manière d’écrire, qui s’inscrit dans une autre veine qu’auparavant.
« C’est beaucoup plus proche de l’autofiction et beaucoup plus proche d’une vérité à partir de la première personne, chose que je me suis beaucoup interdite jusqu’à maintenant, pour différentes raisons. Je voulais être aimée, je voulais protéger les miens, je voulais être masquée dans la fiction. »
LA DÉCOUVERTE DE SOI
À un moment, ce livre s’est imposé de lui-même. « J’ai tout fait pour ne pas le faire et j’ai commencé à l’écrire, presque à mon corps défendant, comme une sorte de projet parallèle. » Elle ne savait pas si ce projet allait prendre la forme d’un journal, d’une pièce de théâtre, ou autre chose.
« J’ai essayé de me rapprocher de la plus grande vérité, même si c’est un peu présomptueux, et de répondre à une question qui est difficile pour moi: pourquoi je suis partie, pourquoi je me suis métamorphosée, et pourquoi je ne reviens pas. »
Pour la petite histoire, Marie-Ève Lacasse a grandi en Outaouais et a quitté le Québec pour s’installer à Paris, il y a plusieurs années. Elle a dû s’adapter. « C’était des questions auxquelles je n’avais pas de réponse, avant de commencer ce livre, et maintenant j’en ai un petit peu plus. Je pense que c’est, à la fin, un projet personnel de découverte de soi – l’ambition la plus noble dans l’écriture. C’est aussi un vrai projet littéraire d’exploration formelle sur le style. »
Elle s’est autorisée à dire des choses très personnelles, et à le faire sans compromis, « pour le texte, pour la littérature, pour mes lecteurs, ajoute-t-elle. C’est comme une sorte de confidence, quelque chose que je dirais sur l’oreiller. C’est vraiment considérer mes lecteurs comme des amis – des gens à qui je peux parler et qui me parlent. »
Comme bien des gens, Marie-Ève dit qu’il y a eu des moments, dans sa vie, où elle s’est sentie très seule. « Le seul moment où je me suis sentie moins seule, c’est en lisant des livres d’auteurs qui me parlaient, un peu de la même manière, en me racontant leurs secrets. Je crois que j’ai voulu faire la même chose. Sortir de la solitude en racontant les failles, ce qui fait qu’on se sent fragile, pas à la hauteur, décevant ou minable. C’est universel, je crois. »
CHANGEMENTS
La crise de la COVID-19 l’a amenée à changer son rapport à son travail, à l’argent, et à repenser sa manière de vivre la littérature dans la cité. « Je pense passer les concours de l’éducation nationale pour devenir professeur de français, parce que je pense que s’il y a quelque chose qui peut être utile, c’est l’enseignement, l’éducation, la transmission de la langue, la transmission de la beauté et de la littérature. »