Le Journal de Quebec - Weekend
<<ON A UN GROS DEVOIR DE SOCIETE A FAIRE>>
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Sarahmée a toujours été victime de racisme. Et trop souvent, elle s’est tue. Mais aujourd’hui, la chanteuse en a assez. « Je ne laisse plus rien passer. Il faut se tenir debout », déclare-t-elle.
Sarahmée n’a pas peur des mots. Quiconque a porté une oreille à son dernier album, Irréversible, le sait très bien. Et c’est exactement la même chose en entrevue, où la chanteuse s’exprime avec conviction, sans détour.
Surtout quand la conversation aborde un sujet chaud tel le racisme.
« Les gens ont tendance à ne pas vouloir faire de vagues. Mais il faut parler. Il faut dénoncer, autant quand on est victime de discrimination que lorsqu’on en est témoin. Là-dessus, on a un gros devoir de société à faire. Le racisme existe, et il est le problème de tout le monde, pas simplement des Noirs, des Autochtones, des Asiatiques ou autres. Je sens qu’il y a un changement en ce moment. Il y a des discussions importantes qui se tiennent et les gens sont à l’écoute », avance-t-elle en entretien au Journal.
En effet. Depuis le meurtre de l’Américain George Floyd en mai dernier, les carrés noirs, mots-clics #BlackLivesMatter, #BLM et autres initiatives virales fusent de toutes parts, provocant un raz-de-marée sur les réseaux sociaux. Dans les dernières semaines, quiconque se sentant interpellé par la cause y est allé de sa propre initiative, désireux de joindre sa voix à ce mouvement planétaire.
APPROCHE POSITIVE
Sarahmée en fait partie. Et c’est par le truchement de sa chanson Ma peau qu’elle lève le poing, comme en fait foi le vidéoclip, lancé il y a quelques jours. Mais l’approche est toutefois différente: la rappeuse tenait à mettre de l’avant un message positif, prônant ici l’acceptation de soi et la valorisation de la différence.
Bref, des images contrastantes quand on les compare aux clichés choquants du décès de George Floyd, relayés à outrance.
« C’est très traumatisant de voir ces images d’horreur jour après jour. Alors dans un sens, Ma peau était un geste égoïste ; j’avais envie de tourner des images positives et rassembleuses, des images qui me feraient du bien à moi. Et là, de voir qu’elles trouvent écho chez plusieurs autres personnes, alors ça me fait encore plus de bien », confie-t-elle.
Ces images feront-elles une différence? Peutêtre bien. Sarahmée ne peut que l’espérer. Mais elle s’attend à ce que le public collabore, tant en s’éduquant qu’en sachant déceler les microagressions qui restent souvent inaperçues, vues à tort comme des gestes anodins.
Un exemple ? L’emploi du mot « mulâtre », terme péjoratif à proscrire et à remplacer par « métis ». Un autre ? Ce droit que certains se donnent de toucher les cheveux crépus des femmes noires, un geste aussi déplacé que surprenant, mais que Sarahmée voit trop souvent.
« Il faut faire attention. C’est le devoir de chacun de s’éduquer. C’est comme ça qu’on va réussir à faire tomber les stéréotypes et idées préconçues qui sont tellement ancrés qu’on a perdu le réflexe de se questionner à savoir s’ils sont acceptables », explique-t-elle.