Le Journal de Quebec - Weekend

COMPTER SUR L’AUTRE : MISSION IMPOSSIBLE ?

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

« Je vais le déranger », « elle n’a pas le temps », « il a déjà assez de problèmes »... Depuis le début de la pandémie, plusieurs n’ont pas osé demander l’aide de leurs proches, alors qu’ils en avaient pourtant grandement besoin. Pourquoi est-ce si difficile de demander le soutien de ceux que l’on aime, alors que très souvent, ils seraient les premiers à vouloir nous offrir un coup de main ? L’INDÉPENDAN­CE TOTALE ET ENTIÈRE : UNE FAUSSE BONNE IDÉE

Même s’ils traversent une période éprouvante comme une perte d’emploi, une séparation, une maladie ou un deuil, plusieurs frémissent à l’idée de solliciter l’aide de ceux qu’ils aiment. Or, vouloir à tout prix être indépendan­t sans jamais demander d’aide est non seulement une fausse bonne idée, mais c’est aussi nier que nous avons tous, sans exception, nos limites, que nous sommes vulnérable­s, et que nous sommes… humains.

Dans les faits, accepter de se montrer vulnérable, de reconnaîtr­e ses limites et affirmer un besoin en formulant une telle demande témoignent d’une grande assurance et d’une confiance en soi. Et être autonome, c’est aussi être en mesure de demander du soutien, ou de déléguer lorsque nécessaire.

DEMANDER UN COUP DE POUCE… PLUS FACILE À DIRE QU’À FAIRE ?

Une chose est claire et sans équivoque : les liens que l’on entretient avec ceux que l’on aime et qui nous entourent constituen­t un important facteur de protection pour notre santé mentale. Pourtant, dans une société individual­iste où l’autonomie et l’indépendan­ce sont valorisées, il est souvent tentant de faire cavalier seul devant une situation difficile, se privant ainsi de ce précieux filet de sécurité et de tout le soutien que notre entourage pourrait nous apporter.

Comment expliquer cette réticence ? Pour certains, demander un coup de pouce pourrait sembler honteux, ou être considéré comme un manque d’autonomie ou de ressources personnell­es, ou pis encore, comme un aveu d’incompéten­ce. D’autres – et c’est peut-être encore plus vrai depuis le début de cette crise pandémique – se sentiraien­t coupables de formuler une telle demande, pensant que leurs amis, leur conjoint ou leur famille ont déjà suffisamme­nt de problèmes ou de soucis : solliciter leur aide ne ferait qu’ajouter à leur fardeau ! Certaines personnes pourraient ressentir un inconfort à l’idée d’être redevable envers l’autre, ou encore craindre d’essuyer un refus… Or, une demande d’aide (raisonnabl­e !) est pourtant souvent bien accueillie.

DEMANDER DE L’AIDE, ÇA S’APPREND !

Comment, alors, apprendre ou réapprendr­e à demander l’aide de nos proches ? Il est tout d’abord primordial de se défaire des idées reçues et des émotions négatives qui y sont trop souvent associées. Il est également important de s’adresser à des gens qui se sont montrés bienveilla­nts à notre égard, que nous investisso­ns et qui nous investisse­nt, et, bien sûr, qui auront les aptitudes permettant de nous fournir l’aide dont nous aurons besoin (à chacun ses forces !).

Il est aussi préférable de formuler clairement notre demande et de faire en sorte que l’autre se sente entièremen­t libre soit d’accepter, ou de refuser. D’une part, cela fait savoir à notre interlocut­eur que nous sommes capables de concevoir une réponse négative et peut-être ainsi être mieux en mesure d’y faire face, et d’autre part, que nous nous trouvons dans le contexte d’une simple demande, et non dans le registre de l’obligation… ni encore de la charité ! Pour ceux qui n’auraient jamais encore osé demander un service, pourquoi ne pas casser la glace et en faire l’expérience avec un proche en qui vous avez confiance ?

DEMANDER ET OFFRIR DE L’AIDE : DES BIENFAITS QUI FONT BOULE DE NEIGE

Solliciter l’aide d’une personne est tout aussi valorisant pour elle : c’est choisir cette personne parmi les autres, lui témoigner notre confiance en elle et reconnaîtr­e ses compétence­s. De plus, les études le démontrent : prendre soin de l’autre, donner de l’aide est gratifiant, en plus d’être bon pour la santé psychologi­que.

Ensuite, en demandant de l’aide, on signale également à son entourage qu’il est tout à fait normal – et souhaitabl­e ! – de le faire. Nos proches seront à leur tour plus à l’aise de demander le soutien de ceux qui les entourent.

Compte tenu des bienfaits liés au fait de demander de l’aide, on pourrait même aller jusqu’à dire que c’est contribuer au bien-être d’un proche que de lui demander un petit coup de pouce à l’occasion. Autrement dit, demander une faveur à quelqu’un, c’est aussi lui rendre service !

Et n’oublions pas que pour tous les services que nous demanderon­s à nos amis ou à nos proches, nous aurons aussi l’occasion de leur rendre la pareille.

Donner au suivant : ces petits gestes qui font toute la différence

En terminant, lorsqu’un être cher nous offre son soutien, c’est peut-être pour lui une façon de nous rappeler que l’on compte à ses yeux. Ce sera également l’occasion pour nous de le remercier, et de lui indiquer combien ce geste a été significat­if… et cela ne fera qu’enrichir et solidifier encore davantage notre relation. Qui dit mieux ?

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