Le Journal de Quebec - Weekend

« On part de loin » – Janette Bertrand

À 96 ans, la journalist­e et écrivaine Janette Bertrand a été témoin – et a participé – à de nombreuses transforma­tions dans notre télévision québécoise. Celle qui vient de publier Un homme tout simplement a discuté de l’évolution des moeurs avec Le Journa

- SARAH-ÉMILIE NAULT Le Journal de Montréal

Madame Bertrand, vous en avez vu des changement­s et des révolution­s se faire depuis le début de votre carrière, n’est-ce pas ?

« Cela s’est fait très lentement. Quand j’ai commencé, deux ans après l’ouverture de la télévision, on vivait comme si on était au Moyen-âge, alors il fallait que quelques auteurs bougent les choses. Au début de l’émission Quelle famille ! en 1969, mon mari et moi jouions un couple et au moment des dehors, c’était entendu qu’on avait des lits jumeaux ! Je me suis opposée, car d’abord j’étais mariée avec cet homme, et ensuite, ça n’avait aucun sens ! [...] Je me suis battue, battue, battue, tout le temps pour faire des scènes plus authentiqu­es. »

Vous rappelez-vous certaines choses aujourd’hui anodines qui avaient fait scandale à l’époque ?

« En même temps que Quelle famille !, le public s’est choqué de voir deux hommes se tenir la main dans un ascenseur dans le téléroman Paradis terrestre. Les gens avaient très peur de la sexualité qui était quelque chose qui devait se passer sous la couverte. Pire que cela, dans les premières années de la télévision, il y avait Michelle Tisseyre, une belle grande femme, qui animait le dimanche soir à la télé. Elle est devenue enceinte et le public a demandé qu’elle soit retirée parce que c’était indécent de montrer un ventre à la télé. Elle a été retirée ! C’était par pudeur en général, pas juste la pudeur de la sexualité. On part de loin là. »

Votre série Avec un grand A a marqué les esprits avec ses thèmes forts de 1986 à 1996. Elle était en fait précurseur­e de ce qui peut se faire de plus audacieux maintenant à la télé québécoise.

« J’en suis très contente. J’ai toujours voulu faire une télévision qui dénonçait les injustices et le double standard. Ce n’était pas évident, il fallait avoir beaucoup de force et j’en avais. Briser les tabous, j’ai fait cela toute ma vie et ce n’est pas évident. La sexualité fait partie des êtres humains. »

Comment décririez-vous notre télévision d’aujourd’hui ?

« Je trouve qu’on a une très bonne télévision qui reflète bien ce que nous sommes et notre époque. Il n’y a pas de scandale là-dedans du tout, du tout [les scènes de sexe et de nudité à la télévision]. La télévision, c’est de son devoir de nous apprendre les choses et elle le fait. C’est quand on met la sexualité à part que cela devient problémati­que. »

Voyez-vous d’un bon oeil les diverses représenta­tions de la sexualité et de la nudité à la télévision ?

« Si c’est nécessaire à l’histoire, pourquoi pas ? Ça fait partie de la vie ! Si c’est nécessaire, il faut le faire, mais pas juste pour montrer des corps nus. Si on montre la réalité, on n’en montre jamais assez. C’est vraiment une forme d’évolution et d’ouverture d’esprit. »

Trouvez-vous parfois que notre télé va trop loin ?

« Non. Ça prend beaucoup de choses pour me scandalise­r (rires) ! Cela peut même être le pendant de la porno qui est une sexualité complèteme­nt fausse. Il faut que cela reste dans la vérité cependant, ça ne peut pas être gratuit. Je ne peux que féliciter, si c’est bien fait, qu’on nous montre la vérité. »

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