Le Journal de Quebec - Weekend

«de On n’est pas obligé regarder...

- SARAH-ÉMILIE NAULT Le Journal de Montréal

Auteur, scénariste et producteur, Michel D’Astous écrit pour la télévision depuis plus de 35 ans. Avec Anne Boyer, le duo a accumulé près de 800 heures de fiction au fil des années. Parmi elles, celles de L’heure bleue, Mon fils, Yamaska et L’homme qui aimait trop.

Lorsque vous écrivez pour la télé aujourd’hui, ressentez-vous une pression d’aller plus loin, notamment sur le plan « osé » ?

« Personnell­ement non. La pression est plutôt d’essayer d’arriver avec des histoires originales, mais pas dans le détail de la sexualité. Comme auteurs, Anne et moi ne sentons pas cela. Peut-être qu’il y a une autocensur­e qui se fait moins. Il nous faut mesurer jusqu’où on peut aller. Dans

L’homme qui aimait trop,

les scènes de sexe ont été scrutées à la loupe et on a dû faire des modificati­ons, car l’émission passe à 20 h. »

Selon vous, cela va-t-il parfois trop loin aujourd’hui ?

« Je dois dire que l’audace de la série Sans rendez-vous m’a un peu surpris. Je me suis dit “mon Dieu, on est rendu là, Radio-Canada va diffuser cela à 21 h”. Il doit y avoir eu des discussion­s dans la tour (rires). Mais aller trop loin, non. On est bousculés un peu parfois, mais on n’est pas dans une dynamique de satisfaire le voyeur. [...] Je pense que c’est souvent appuyé sur un propos, comme ici le contexte d’une clinique de santé sexuelle. »

Est-ce le rôle d’une télé généralist­e de présenter ce genre de contenu plus audacieux selon vous ?

« Oui, il y a tout de même l’heure de diffusion et un avertissem­ent écrit, et on n’est pas obligé de la regarder ! C’est une question d’équilibre aussi, s’il n’y avait que cela, ça serait autre chose. Mais une télévision généralist­e est aussi sensible aux cotes d’écoute, c’est sûr que si les gens ne se reconnaiss­ent plus à l’antenne, il va y avoir un problème à long terme. Mais on n’en est pas là du tout. »

Vous écrivez depuis plus de 30 ans. Quel genre de changement­s avez-vous remarqués au fil du temps en matière d’audace sur les chaînes généralist­es ?

« Il y a plus de liberté dans les propos que dans les images. Tout le langage, la diversité des goûts, la diversité des pratiques sexuelles ; cela s’est vraiment ouvert de façon beaucoup plus claire. Concernant les images, je dirais que la télévision générale et grand public est quand même assez réservée. La série Sans

rendez-vous est peut-être l’exception qui confirme la règle. »

Et du côté des chaînes spécialisé­es ?

« Comme auteur, la plateforme permet un certain ton, mais comme les séries ont une deuxième carrière possible en télé généralist­e, il faut trouver un compromis. Les paroles et les situations sont plus avancées que l’image. C’est sûr qu’il y a un souci de tous d’être plus près du réel, car la sexualité fait partie de nos vies. Toutefois, cela reste subjectif, ce qui est érotique ou explicite. Même à travers une équipe : on est un peu à l’image de notre public. Mais on sent un besoin d’aller plus loin. Autrefois, une pratique sexuelle comme le fétichisme ou des couples libertaire­s n’existaient pas en télévision. Cela montre l’évolution sociale. Il y a aussi une recherche d’inventivit­é, de propos et de structures narratives plus éclatées. »

 ?? ?? – L’auteur Michel D’Astous
– L’auteur Michel D’Astous

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