Le Journal de Quebec - Weekend

RÉVÉLATION­S AU FIL DU RAIL

Conteur habile, fin observateu­r de la psyché humaine, magicien des mots, Philippe Besson raconte la dernière nuit des passagers d’un train qui va dérailler au petit matin dans son nouveau roman, Paris-Briançon. Ce roman de la fatalité décrit comment les p

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Lorsqu’ils montent à bord de l’Intercités no 5789, un des rares trains de nuit encore en activité, rien ne relie les passagers qui se rendent dans les HautesAlpe­s. Pour certains, c’est le temps des vacances. Pour d’autres, des obligation­s familiales.

Au fil des conversati­ons et à la faveur de la nuit, une certaine forme d’intimité s’installe. Les gens font connaissan­ce, discutent. Le ton est à la confidence, parfois aux aveux. Ils laissent tomber les masques et révèlent leur solitude, leurs maux, leurs désirs, leurs appréhensi­ons.

Philippe Besson est passé maître dans l’art d’installer une ambiance, et celleci en est une de huis clos, où chacun avance d’heure en heure, sans le savoir, vers sa destinée. Un roman d’une grande force.

LES TRAINS DE NUIT

« J’ai lu un article dans un journal disant qu’on allait rouvrir des lignes de trains de nuit, en France », explique-t-il, en racontant la genèse du roman. « Vous savez, en France, il y a 40 ans de ça, il y avait beaucoup de lignes de trains de nuit et elles ont toutes fermé, les unes derrière les autres, parce qu’on a eu le TGV. Le désir de vitesse a remplacé tout le reste et les lignes de trains de nuit sont devenues obsolètes. »

Cet article de presse l’avait réjoui.

« Je me suis dit que c’est formidable comme décor, un train de nuit. C’est une façon de dire qu’une conversati­on est possible. Une rencontre est possible. On y passe 10-12 heures avec des inconnus et il faut bien occuper le temps. »

Il pouvait ainsi faire l’éloge de la lenteur, à travers un roman choral.

« Les gens ont le temps. Et c’est pas du temps qu’ils vont perdre, c’est du temps qu’ils vont gagner pour rencontrer des gens. Et ce qui est formidable dans les trains, c’est que c’est simplement le hasard qui rassemble les gens. Rien d’autre. »

LE SUSPENSE

Très vite, il a su qu’il voulait écrire un roman à suspense.

« Je voulais faire peser une menace sur eux, d’emblée, parce que c’était une façon de conférer une intensité existentie­lle à tout ça. Regardez-les, ces gens : je vous les présente un à un. Mais faites bien attention. Intéressez-vous à eux parce que, parmi eux, certains seront morts.

Et c’est une façon aussi de dire qu’il faut mesurer le prix de la vie. »

Les personnage­s imaginés pour le roman, qui sont tous d’horizons différents, l’ont profondéme­nt touché, au fil de l’écriture. « Je me suis laissé embarquer avec eux. J’avais l’impression d’être avec eux dans le train et de les regarder. »

L’intensité est au premier plan, dans les conversati­ons, dans le suspense qui s’installe, dans les rencontres. Une intensité qui fait écho au fait que ces personnage­s vivent leurs dernières heures de vie.

« Je voulais qu’il y ait une sorte de tension, à la fois inquiétant­e parce qu’on sait que la mort rôde, mais qu’il y ait en même temps une sorte de tension sentimenta­le positive. » Les personnage­s s’abandonnen­t, se confient à des inconnus, se livrent totalement.

« La méfiance devient assez rapidement de la confiance, la confiance devient de la confidence, la confidence devient de la confession. Ce mécanisme, je le trouve très émouvant. »

 ?? ?? Philippe Besson Éditions Julliard 208 pages PARIS-BRIANÇON
Philippe Besson Éditions Julliard 208 pages PARIS-BRIANÇON

Newspapers in French

Newspapers from Canada