Le Journal de Quebec - Weekend

DANS L’UNIVERS MUSICAL D’ÉMILE PROULX-CLOUTIER

Le comédien Émile Proulx-Cloutier n’est jamais trop loin du chanteur, et vice-versa. Ce bagage théâtral sert à merveille l’auteur-compositeu­rinterprèt­e sur scène. Il s’apprête d’ailleurs à reprendre la route pour aller offrir quelques pièces inédites de s

- STÉPHANE PLANTE

Et ce, seul, comme un grand. Sans la présence de ses musiciens. Tout seul pour meubler cet espace qu’il chérit tant : la scène.

Les nouvelles chansons pour ton spectacle À mains nues, elles doivent être assez dépouillée­s étant donné que tu es seul sur scène…

Oui. J’ai jamais autant travaillé sur la mise en scène d’un spectacle. On arrive à démultipli­er l’espace sonore. Et sur le plan visuel, sur le plan de la scénograph­ie, on a davantage travaillé.

Sais-tu comment tu vas arranger ces nouvelles chansons en studio ?

J’ai des idées, mais c’est la formule brute qui me tentait. J’ai bâti un spectacle dans lequel il y a 40 % de chansons non enregistré­es. Quand j’ai commencé à Petite-Vallée en 2011, il y avait une belle réception du public. Je m’étais dit : « je vais bâtir un spectacle ». Je m’étais mis à écrire plus. Quand j’ai trouvé une équipe, on m’a dit : « non, ça te prendrait le disque pour que les gens sachent ce que tu fais… » Je suis ravi d’avoir pu faire des albums, mais le studio, c’est pas mon environnem­ent naturel premier. La scène c’est l’espace où je suis le plus heureux au monde.

Est-ce que tu penses que ton expérience d’acteur enrichit ta présence sur scène en chanson ?

Oui, dans la façon d’habiter la scène. Dans la façon d’avoir un souci de ce qu’on raconte. À partir du moment où le spectacle commence, il n’y a pas de pause. Tout est spectacle. Ce qui se passe entre les chansons est aussi important que les chansons elles-mêmes.

Est-ce qu’il y a des thèmes qui sont plus faciles à aborder en chansons qu’au théâtre ?

J’aurais tendance à dire l’inverse. Au théâtre, des fois on va loin sur certains sujets. Ça m’est arrivé d’écrire des fois et me dire : « y a moyen de faire une toune là-dessus ? » Par exemple, Retrouvail­les sur l’album Marée haute, c’est deux personnes qui ne se sont pas vues depuis longtemps. Si ça avait été un film, il y aurait eu un « flash-back ». Comment tu fais ça en chanson ? Je me suis dit : « au milieu de la toune, il va y avoir une autre toune ! » C’est zéro efficace sur le plan pop radio. Mais sur le plan de l’exercice narratif, ça me plaît.

Tes parents écoutaient quoi quand tu étais jeune ?

J’ai des souvenirs de trajets en voiture avec ma mère. J’ai découvert les Beatles, Desjardins, Renaud, Pierre Flynn, qui est un ami de mes parents. J’écoutais beaucoup Billy Joel aussi. Je l’entendais jouer du piano et je me demandais combien de bras il avait. (Rires) Mon père, c’était beaucoup de Leonard Cohen, Charlebois. Ça a été combiné par l’accès à des poètes. Mon père m’a mis un recueil de Jacques Prévert dans les mains, Paroles. Ça m’avait beaucoup parlé. Mon rapport à la musique est indissocia­ble à la découverte de la poésie.

On te décrit souvent comme un artiste engagé. Quel musicien incarne le mieux selon toi cet aspect engagé ?

C’est clair que tu peux l’être de plein de façons. Je dis souvent que je ne suis pas un artiste « dégagé ». Il y en a qui vont imprégner leurs chansons de leurs préoccupat­ions sociales. Il y en a qui ne feront peut-être pas ça, mais qui vont mettre sur pied des actions citoyennes très concrètes. Je pense à ce que Desjardins a fait avec l’Action boréale. Natasha Kanapé

Fontaine, ce n’est pas tous ses textes qui ont une approche politisée, mais son geste est politique. Que ce soit par le choix de son sujet ou parce qu’elle le fait en innu.

Tu t’apprêtes à repartir en tournée. Qu’est-ce que tu écoutes sur la route ?

J’aime profondéme­nt Gaël Faye pour le lien qu’il fait entre les préoccupat­ions sociales et une langue tellement sensuelle. Aussi, je suis retombé récemment sur un album de Kid Koala, 12 Bit Blues. J’adore ça.

Est-ce qu’il y a un documentai­re musical que tu as particuliè­rement apprécié ?

Un documentai­re qui a été fait par Pascal Ferland avec des archives sur Pauline Julien, je l’ai trouvé très fort. Très beau film. Puis il y a un portrait que Chris Marker a fait d’Yves Montand, La solitude du chanteur de fond. J’adore ce film-là. Dans son souci du travail, c’est un acteur. Autant dans la voix que dans la relation à la scène, à la lumière. Pour moi, c’est profondéme­nt inspirant. Alors que j’écoute pas du Yves Montand le soir chez nous… Vraiment pas ! (Rires) J’ai aussi beaucoup aimé Thirty Two Short Films About Glenn Gould.

Si tu avais à incarner un musicien pour une série biographiq­ue ou un film, ce serait qui ?

Mon rêve serait d’interpréte­r le rôle d’un chef d’orchestre. J’envie les acteurs qui l’ont déjà fait. Quand j’étais petit, c’était mon rêve de faire ça. J’ai pu une fois diriger un orchestre de chambre pour une petite pièce que j’avais écrite quand j’étais adolescent pour le mariage de mon père. Une toune de deux minutes. Je sais même pas si c’est bon. (Rires) C’est un ensemble de 20 cordes qui jouait ça. Pis j’avais pu prendre la baguette du chef d’orchestre pour ces deux minutes-là et diriger. Ah, le plaisir !

Une chanson que tu aurais aimé écrire ?

Je reviens tout le temps à la même : Les Yankees de Richard Desjardins.

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PHOTO CHANTAL POIRIER

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