Le Journal de Quebec - Weekend

ET 2000 FOIS SUR LE MÉTIER...

- CÉDRIC BÉLANGER Le Journal de Québec cedric.belanger @quebecorme­dia.com

Personne ne doute que de reboiser des forêts qui ont été rasées par l’industrie est un travail éreintant, mais dans le nouveau documentai­re de Julie Lambert, Femmes des bois, on prend la pleine mesure de l’épreuve physique et mentale que constitue ce boulot d’été de plus en plus en vogue chez les filles.

Entre 2000 et 3000 fois par jour, il faut donner un coup de pelle, se pencher pour déposer un arbuste dans le trou, se relever et recommence­r quelques mètres plus loin.

Pendant douze heures. Qu’il fasse chaud ou froid, qu’il pleuve ou que les mouches dansent en essaim autour de notre tête.

En plus, les planteurs et les planteuses sont isolés, bien souvent sans aucune réception cellulaire. Ils sont donc dépourvus de tout moyen pour appeler à l’aide en cas d’urgence.

« En plus, un des groupes qu’on a suivis devait faire chaque matin et chaque soir deux heures et demie sur une route de terre qui brasse pour se rendre aux champs. J’avais la caméra sur moi et j’avais des bleus tellement c’était intense », mentionne Julie Lambert, à qui l’on doit aussi le formidable Un film de chasse de filles.

LA PARITÉ

Il y a une dizaine d’années, peu de femmes faisaient du

planting au Québec. Ça change. En Abitibi, où Julie Lambert a épié la vie dans trois campements forestiers, elles sont nombreuses à aller passer des étés par envie d’un travail physique ou pour vivre une expérience hors de leur zone de confort, comme Marie-Pierre, doctorante en droit.

« Je ne pensais pas qu’il y avait autant de parité », observe la cinéaste.

Le film s’attarde aussi à Josée, cuisinière ultra sympathiqu­e, une sorte de maman des planteurs et planteuses, pour lesquels elle doit servir le déjeuner en plein milieu de la nuit en s’adaptant aux exigences alimentair­es d’individus d’origines diverses.

« Ce qui m’a le plus marqué, c’est la chaleur humaine qui se développe dans un milieu hostile. Les gens dorment sur des matelas de gymnase, les rideaux sont des sacs à poubelle », relève Julie Lambert.

« J’AI PLEURÉ… »

La documentar­iste n’a pas voulu faire de Femmes des bois un film militant. Il reste qu’en filigrane, la question des coupes à blanc et la crise climatique s’invitent à l’écran, ne serait-ce qu’en raison de ces grands champs, autrefois des forêts, qu’arpentent les planteurs.

Julie Lambert avoue qu’elle a été chavirée, lors de sa première visite de recherche pour le film, quand elle a été confrontée à sa première coupe (elle n’ose ajouter les mots à blanc).

« J’ai pleuré pendant deux heures. Je me rendais compte de tout l’impact de notre consommati­on. Nous sommes responsabl­es de ça. Ce qu’ils plantent, ils vont le couper dans trente ans pour faire du papier de toilette. »

Femmes des bois sera présenté le 11 avril, à 21 h, sur Unis TV.

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Une scène du film Femmes des bois.
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Julie Lambert
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