Le Journal de Quebec - Weekend

COMBAT POUR LA VIE DANS LES APPALACHES

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Après son best-seller Ce lien entre nous, l’étonnant écrivain américain David Joy revient cette année avec un thriller saisissant, décapant, Nos vies en flammes. Le roman dépeint la vie difficile des gens dans les coins reculés des Appalaches, aux prises avec les incendies qui ravagent tout, la misère sociale et des problèmes de drogue dévastateu­rs. Avec un talent fou et une authentici­té à toute épreuve, David Joy montre une Amérique en train de sombrer, mais aussi les combats de ceux et celles qui ont toujours espoir.

Ray Mathis, héros du roman, est veuf et retraité. Il mène une vie simple, solitaire, dans sa petite ferme des Appalaches. Sa région aux paysages magnifique­s est au bord du gouffre : la drogue fait des ravages et la misère sociale est omniprésen­te. Comme si ce n’était pas suffisant, d’intenses incendies se déclarent, détruisant des hectares et des hectares de forêt.

Ray constate que son comté, comme son pays, est en train de sombrer. Mais lorsqu’il apprend qu’un dealer menace la vie de son fils, il décide de se révolter et de combattre. Il a l’énergie du désespoir, la rage au coeur, et plus rien ne l’arrêtera.

En entrevue téléphoniq­ue, David Joy – un des écrivains américains les plus talentueux de sa génération – parle très directemen­t d’un problème de société qu’il observe dans la région des Appalaches, où il vit.

« L’épidémie de consommati­on d’héroïne est devenue un sujet qu’on ne peut plus ignorer », dit-il.

« À l’endroit où je vivais à ce moment, il y avait, à peu de distance de la route, une maison où tout le trafic d’héroïne transitait. Je voyais des consommate­urs de drogue chaque jour. Ils étaient sur la pelouse, ils frappaient à la porte, ils étaient partout, partage-t-il. Quand j’allais au bureau de poste de la ville, il y avait des seringues à la grandeur du terrain. »

« Je conduisais ma voiture dans la ville et on voyait des ambulancie­rs sortir des corps des toilettes des stations-service, ou de sous les ponts, où les gens avaient fait des overdoses. »

Il souligne que dans ce roman, il s’est intéressé aux relations humaines qui existaient au-delà de la communauté de consommate­urs de drogue.

UNE SCÈNE INSPIRÉE DE LA RÉALITÉ

Ray, personnage principal du roman, décide de prendre les choses en main. Dans une des scènes du roman, Ray part racheter la vie de son fils chez un

dealer, avec 10 000 $ en poche. « Cette scène est totalement vraie. Un ami, un homme âgé maintenant décédé, m’a raconté qu’il avait reçu un appel téléphoniq­ue et qu’il avait conduit jusqu’au sommet d’une montagne avec 10 000 $ et un fusil sur ses cuisses pour racheter la vie de son fils. C’était la genèse de Raymond. J’ai vraiment connu quelqu’un à qui c’est arrivé. »

L’ÉPIDÉMIE D’OPIOÏDES

David Joy fait remarquer que ce qu’il décrit dans Nos vies en

flammes existe dans les régions rurales des Appalaches.

« De l’extérieur, ça peut sembler être un truc de hors-la-loi. Mais quand on examine cela de plus près, on dirait que la région a son propre système de loi et d’ordre. »

« La raison est simple. Il y a des coins dans ce comté où vous pouvez signaler le 911 et il vous faudra attendre une heure, même plus, avant que quelqu’un arrive chez vous. Nous vivons dans une région tellement reculée qu’il faut prendre soin de soi, car il n’y a pas de ressources. »

L’épidémie d’opioïdes s’est installée de façon insidieuse dans la région des Appalaches américaine­s.

« Au début, une compagnie pharmaceut­ique distribuai­t très délibéréme­nt des opioïdes dans une population dont personne ne se préoccupai­t. C’était une population sans voix. Il a été prouvé en cour que la région des Appalaches a été ciblée. »

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