Le Journal de Quebec - Weekend

FAIRE REVIVRE NOTRE HISTOIRE CULTURELLE

5 questions à Charles Gervais, réalisateu­r de D.I.S.C.O.

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Même sans avoir vécu l’ère disco, nous avons tous une chanson qui nous vient en tête. Et peu de gens se souviennen­t à quel point Montréal en était une plaque tournante.

Le réalisateu­r Charles Gervais aime faire parler les gens. Il a l’habitude de s’infiltrer dans des univers qu’il découvre avec fascinatio­n au fur et à mesure de ses rencontres. On lui doit la réalisatio­n des séries documentai­res Fièvre politique ou encore Psychopath­es, les documentai­res uniques

Police sous surveillan­ce, Manosphère, Résistance ou Oka, 30 ans après .Il a aussi réalisé des magazines dont Formule Diaz ,F ormat familial et Les francs-tireurs. Cette fois-ci, il nous transmet l’énergie des folles années du disco où tout était permis.

Qu’est-ce qui t’a d’abord intéressé quand on t’a proposé de réaliser une série sur le disco ?

Comme c’est une époque que je n’ai pas vécue, c’était l’envie de la découvrir. En lisant la recherche et au fil des entrevues, j’ai vu beaucoup de similarité­s avec les raves, le house, le techno. C’était une fête de la danse, de la musique, une célébratio­n du DJ jusqu’au lever du soleil. Leur coke était devenue l’ecstasy. C’était aussi célébratio­n de la mixité sociale. Homosexuel­s et hétérosexu­els partageaie­nt la piste de danse, Noirs, Blancs, femmes. On est en pleine libération sexuelle. Danielle Ouimet le dit d’ailleurs dans le premier clip de la série, le disco c’était la liberté. Ça a été le moteur.

Comment as-tu choisi de raconter cette histoire-là ?

Cinq grandes thématique­s ressortaie­nt de la recherche. Dans le premier épisode, il fallait placer Montréal comme plaque tournante du disco. Dans le deuxième, c’est sexe, drogue, mais aussi le côté libérateur. Au troisième épisode, on aborde le côté plus sombre de l’industrie. Beaucoup d’artistes ont été floués. Les trois quarts vivaient modestemen­t même s’ils figuraient partout sur les

billboard. Ils signaient des contrats sur des napkins ! Pour le quatrième épisode, on a eu envie de s’attarder à l’ADN du disco, à la mode, à ses racines. Des conservate­urs tannés ont annoncé la mort du disco créant toute une émeute. Ça a sonné la fin de l’époque glorieuse. C’est ce qu’on voit dans le dernier épisode. À l’image, j’ai voulu faire honneur à cet excès-là avec les couleurs, les lumières, la brillance. Quand on regarde l’entrevue de France Joli, on ne voit pas le La Tulipe. On a plutôt l’impression d’être au Studio 54.

Certains invités sont encore dans la sphère publique, comme Patsy Gallant ou Judi Richards, d’autres moins. Est-ce que tous étaient heureux d’y replonger ?

J’ai fait 26 entrevues de 2-3 heures avec chacun. Ils viennent tous avec une nostalgie, mais aussi une énergie qui s’allume quand ils parlent de cette époque. On était en pleine pandémie alors ce projet-là arrivait comme un phare. On parlait d’une promiscuit­é qu’on ne vivait plus.

Est-ce difficile de retrouver des archives de l’époque ?

Je travaille souvent avec Ghislain O’Prêtre qui sait dénicher des petites perles. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer Normand Craan qui à l’époque était de toutes les soirées dans les discothèqu­es. Il avait 20 000 photos enfouies. Une vraie mine d’or. Chacun des invités avait ses propres archives. Et on a dû créer nos propres archives. On a embauché des danseurs qu’on a filmés avec une caméra à tube des années 80 pour donner ce look-là. Et je ne parle pas de la musique. Ceux qui se demandent pourquoi il n’y avait jamais eu une série sur le disco avant, c’est parce que c’est un véritable tour de force !

Vous avez tourné au fameux Limelight dont il reste des vestiges. Maintenant que tu en connais plus, que reste-t-il de la culture disco ?

Le Limelight se trouve au troisième étage de Chez Paré. À l’époque, les propriétai­res avaient beaucoup investi. On est après l’Expo 67, il y a une ouverture sur le monde, Montréal était prête pour en devenir une plaque tournante. Beaucoup des artistes que j’ai faits en entrevue donnent encore des spectacles. France Joli un peu aux États-Unis, Freddie James aussi. Robert Ouimet qui est décédé récemment continuait de se renouveler. Le disco s’est transformé. Il a influencé des artistes comme Lady Gaga. Même Ariane Moffatt y est redevable pour son côté festif. Les gens vont découvrir qu’il n’y a pas que le côté qu’on dit quétaine, mais qu’il y avait de la qualité et qu’il a eu un impact sur la musique moderne. Je pense à Gino Soccio. On entend Dancer au début des épisodes. Louis Vuitton l’a utilisé récemment dans une publicité. C’est exceptionn­el !

D.I.S.C.O. est diffusé sur la plateforme Vrai

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