Le Journal de Quebec - Weekend

ROMANS D’ICI LES BELLES HISTOIRES À CONTER

La Margot qui raconte sa vie dans Mistassini alaparticu­larité de l’embellir. Est-ce un atout ou un défaut ?

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Elle est bien sympathiqu­e la narratrice de Mistassini, premier roman de Marjorie Armstrong. On reconnaît là l’expérience de quelqu’un qui sait créer des personnage­s puisque l’auteure est aussi scénariste.

D’ailleurs, sa Margot navigue dans le monde du showbizz. Plutôt, elle tourne autour ! C’est une comédienne en quête de contrats et qui, en attendant, gagne chichement sa vie en travaillan­t dans un bar.

À 28 ans, cette précarité est encore viable, mais perd de son lustre de bohème. Des gens que Margot côtoie commencent à être vus dans des séries et ses amis ont maintenant de vrais emplois qui permettent de se payer des vacances.

Margot a quand même réussi à les convaincre que leur traditionn­el voyage estival peut se limiter à un séjour en canot-camping sur la rivière Mistassini, au Saguenay–Lac-SaintJean. Elle n’a toutefois pas précisé qu’elle devra ramer fort pour trouver les 500 dollars à investir dans cette escapade !

Mais nous qui savons sommes bien prêts à sourire devant sa manière de se tirer de situations qui l’embêtent, pimentée de légèreté.

Un exemple : Margot a du temps, ressource précieuse qui manque à son entourage. On fait donc appel à elle pour des services divers, comme garder les deux paires de jumeaux de sa copine Sabrina. Gros contrat, et Margot n’aime pas tant l’univers des enfants, mais comment refuser les 80 dollars offerts ?

N’empêche qu’à son âge, survivre en étant gardienne de dépannage écorche l’estime de soi, alors sitôt la tâche accomplie, « une halte à la SAQ de Westmount s’est imposée afin de panser ma fierté égratignée ». De fait, le vin remplit mieux cet objectif qu’une épicerie bien planifiée !

PETIT MENSONGE

Marjorie Armstrong sait raconter une manière de vivre où, sous des airs décontract­és, se cachent bien des angoisses – dont à l’égard d’un frère itinérant. La désinvoltu­re devient donc une forme de politesse envers les autres et envers soi-même : on ne va pas embêter le monde avec ses problèmes !

Même l’amoureux ne sert pas de confident ; ce rôle-là est dévolu à Louise, l’affectueux berger allemand qui suit Margot depuis dix ans et qui est le véritable pôle de sa vie.

Mais Louise est trop vieille maintenant pour l’accompagne­r en canotcampi­ng. Or, durant ce voyage, Margot va s’emmêler dans un petit mensonge qui deviendra bien gros et en gâchera autant la fin que le retour en ville. Où l’on verra que devenir adulte est difficile, quoique nécessaire…

En fermant le roman, on espère seulement que les Margot de ce monde gardent quelques talents pour se raconter des histoires qui allègent le quotidien. Car c’est exactement ce qui fait le charme de ce récit sans prétention, qui plaide pour « la gentilless­e comme réelle qualité et non comme un attribut insipide de second plan », et le bonheur comme sentiment aussi valable que l’euphorie ou la passion.

Avec un soupçon de mensonge au besoin !

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