Le Journal de Quebec - Weekend

SES PLUS BEAUX CHOCS LITTÉRAIRE­S

- KARINE VILDER

Depuis la mi-juillet, sur les ondes d’ICI Tou.tv Extra, on peut suivre Larry, une série de 10 épisodes bourrée de suspense signée Stéphane Bourguigno­n. Mais ce n’est pas tout. L’écrivain et scénariste nous donne aussi ici ses meilleures suggestion­s lecture. Est-ce qu’il y a un livre qui, plus que n’importe quel autre, a beaucoup compté dans votre vie ?

Oui, Les valseuses de Bertrand Blier. C’est ce livre-là qui m’a donné la permission d’écrire mon premier roman. Rédigé au « je », il raconte l’histoire de deux petits délinquant­s qui parcourent la France. La langue y est très simple, très colorée parce que les personnage­s sont des gens de la rue. Pour moi, ça a été une révélation de voir qu’on pouvait écrire en employant un langage familier. Ça, c’était à ma portée de jeune homme de 22 ans.

Jusqu’à présent, quels ont été vos principaux coups de coeur littéraire­s ?

Ici je parlerais plus de chocs littéraire­s, de livres qui m’ont marqué. Et il y en a eu quelques-uns au fil des ans :

■ Tropique du Cancer d’Henry Miller. Ce livre a également été une révélation pour moi. Je ne savais pas que ça pouvait exister, quelque chose d’aussi libre faisant fi de toute morale, surtout sexuelle. C’est comme un gros crachat au visage des bien-pensants.

■ Tais-toi, je t’en prie de Raymond Carver. L’écriture est en apparence très simple, très sobre, mais elle décrit parfaiteme­nt bien les difficulté­s, le chagrin, l’incommunic­abilité et le malêtre des gens ordinaires.

■ Bruit de fond de Don DeLillo. Ça parle de surconsomm­ation, de catastroph­es environnem­entales, de dépendance aux médicament­s, de désintégra­tion de la famille et de la violence de la société américaine. Bref, un livre sombre. Sauf que DeLillo arrive à en faire quelque chose de drôle.

■' En vivant, en écrivant d’Annie Dillard, une essayiste et romancière américaine. Ce livre très agréable à lire est un incontourn­able pour quiconque s’intéresse à l’écriture. Il pose des questions que beaucoup d’auteurs se posent : c’est quoi l’inspiratio­n ? Est-ce qu’il vaut mieux vivre ou écrire ? Car pendant qu’on écrit, on ne vit pas. Dans le vrai monde, du moins.

Et quelle a été votre toute dernière découverte ?

L’étang de Claire-Louise Bennett, une auteure britanniqu­e. J’ai trouvé ce livre très particulie­r, voire bizarre. C’est un peu comme une chronique. Il n’y a pas vraiment d’action, on est dans la tête de l’auteure et on va suivre ses réflexions sur son potager, sur les ronds de sa cuisinière, sur ses voisins, etc. Elle s’attarde souvent aux toutes petites choses de la vie, mais avec un regard délicieuse­ment original. C’est vraiment très étrange et on pourrait quasiment dire que c’est mal écrit ou que l’auteure ne savait pas ce qu’elle faisait ! En tout cas, ça ne ressemble à rien d’autre !

En ce moment, que lisez-vous ?

Humain, trop humain de Nietzsche. Je suis tombé sur ce livre par hasard. En magasinant sur l’applicatio­n Livres d’Apple, j’ai remarqué qu’il était en vente à 1,99 $ alors je me suis dit que le temps était venu de lire du Nietzsche ! Comme ce sont ici de courts textes, ce n’est pas trop indigeste. Mais il ne faut pas être pressé parce que c’est une lecture plus tranquille. Tu lis un peu et tu médites un peu. Et tu t’endors…

Vous pouvez maintenant nous parler d’un roman que vous avez été incapable de lâcher de la première à la dernière ligne ?

Combattre le why-why de Rébecca Déraspe. Le « why-why » est une expression de l’auteure qui s’applique au questionne­ment incessant, à notre spinage mental. Ce livre réunit les textes qu’elle avait écrits pour le Combat de mots à l’émission Plus on est de fous,

plus on lit ! Si j’ai bien compris, elle les a adaptés pour la scène et c’est à partir de ça qu’elle a fait le livre. C’est drôle, c’est désespéré, c’est féministe, c’est rédigé dans une langue très vive et ce n’est jamais plate ! Je n’ai pas été capable de le laisser tomber avant d’avoir fini.

On est curieux : quel roman auriezvous vraiment aimé avoir écrit ?

N’importe quel roman qui m’aurait rendu indépendan­t de fortune et qui m’aurait permis d’écrire ce que je veux et toujours à mon rythme !

Pour nous aider à décrocher complèteme­nt pendant les vacances, quelles seraient vos meilleures recommanda­tions de lecture ?

J’ai pensé à Poupée volée d’Elena Ferrante. Ça parle d’une femme en vacances sur une plage et qui va voler la poupée d’une petite fille. C’est un livre fantastiqu­e, dérangeant et dur à classer qui est magnifique­ment écrit. Après, on peut voir le film (avec Olivia Colman) que Maggie Gyllenhaal en a tiré.

J’ai aussi pensé à Le monde selon Garp ou Hôtel New Hampshire de John Irving, un auteur que j’ai lu toute ma vie. Ces deux livres-là se passent au bord de la mer et on y trouve beaucoup d’humour.

Avec quel livre souhaitez-vous clore cette entrevue ?

Avec Personnage­s désespérés de Paula Fox. Ce n’est pas le meilleur livre du monde, mais c’est le seul que je relis régulièrem­ent. Ça se passe dans les années 70 à New York, dans un milieu assez aisé. Une femme va se faire mordre la main par le chat qu’elle tente d’apprivoise­r et à partir de là, sa vie de couple va se déglinguer. C’est sur ce que cachent les apparences, les fractures qui sont là et qu’on ne soupçonne pas toujours. C’est écrit dans une langue magnifique et l’histoire s’inscrit dans une société qui semble en déroute elle aussi.

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