Le Journal de Quebec - Weekend
Les femmes dans les jeux vidéo…
C’est une longue histoire faite d’invisibilisation et de clichés, mais aussi de prise de pouvoir et d’affirmation au point de rêver aujourd’hui… d’égalité.
Les jeux vidéo sont considérés comme un sport, comme une activité masculine. Après tout, c’est bien connu, seuls les hommes sont avides de performances, de records, de compétitions. Les femmes, elles, sont bien plus calmes et douces et pas un homme n’a envie d’incarner une femme puisque ce serait déchoir. Ce cliché a façonné l’industrie du jeu vidéo depuis ses origines dans les années 1970.
L’un des premiers personnages féminins jouables… c’est Ms. Pac Man. Mais la petite boule jaune, affublée de longs cils, d’un noeud rose dans les cheveux et de rouge à lèvres, ne naît pas par souci d’égalité. C’est tout simplement que Namco réalise rapidement que les filles fréquentent autant les arcades que les garçons pour jouer à Pac-Man.
Dans les années 1980, les personnages féminins commencent à être inclus dans les titres, mais en personnages secondaires ou en pauvres demoiselles sans défense comme c’est le cas des princesses Peach ou Zelda dans Mario et The Legend of Zelda.
Il faut attendre Metroid pour trouver Samus Aran, chasseuse de prime et personnage principal du titre à succès de 1986. Pour la petite histoire, sachez que, dans la traduction anglaise du manuel d’utilisation du jeu, les pronoms de Samus étaient masculins. Seul le fait de finir Metroid en moins de cinq heures permettait de découvrir son genre.
L’ARRIVÉE DES « BADASS »
En 1991, une certaine Chun-Li devient instantanément culte. Cette guerrière aux cuisses particulièrement développées est l’unique personnage féminin de Street Fighter 2. Au départ, les développeurs hésitent à incorporer une femme, et les concepteurs de la franchise ne croient pas en son succès. Mais, à la surprise de Capcom, ChunLi devient l’un des personnages les plus populaires du jeu de combat… ce qui poussera la compagnie à ajouter Cammy dans Super Street Fighter 2 deux ans plus tard.
Selon une étude de Teresa Lynch, chercheuse en communication et médias à l’Université d’Indiana, seuls 571 personnages féminins jouables ont été créés entre 1989 et 2014. En évaluant la sexualisation extrême des personnages via des indicateurs tels que d’énormes seins et des tailles minuscules, elle a observé que le pic de cette tendance a eu lieu en 1995 avant de décliner tranquillement… ce qui explique l’aspect physique de Lara Croft dont les proportions étaient pour le moins irréalistes.
Lara Croft fait son apparition en 1996 dans Tomb Raider, la riche héritière avide de mystères archéologiques a mis trois ans à voir le jour – elle devait être un homme à l’origine du projet. Fortement inspirée par Indiana Jones, cette dernière est vêtue d’une tenue mettant en évidence ses abdominaux, ses muscles… et ses seins – qui bloquent d’ailleurs certains angles de caméra !
À l’opposé de Lara Croft, du moins physiquement, on trouve Jill Valentine de Resident Evil. Elle aussi sait se battre quand la situation l’exige, et son intelligence et sa capacité à survivre sont les égales de celles d’un homme. Jill Valentine est tellement populaire qu’elle est l’unique personnage de Resident Evil 3 et fait ensuite partie de presque toutes les suites de cette saga incontournable.
Depuis les années 2000, on constate l’apparition de personnages féminins plus complexes, plus réalistes et moins sexualisés. En 2001, dans son Halo : Combat Evolved, Microsoft présente Cortana, une intelligence artificielle, qui aide Master Chief à tuer des « aliens ». En 2005, Rayne est l’héroïne mi-humaine, mi-vampire de BloodRayne. Faith Connors de Mirror’s Edge ,lacommandante Shepard de Mass Effect, Aloy deH orizon Zero Dawn ou encore Chloe Frazer de Uncharted : The Lost Legacy et Ellie de The Last of Us 2 illustrent cette évolution.
Aujourd’hui, force est de constater que le nombre de personnages féminins jouables est en déclin… tout comme le nombre de personnages masculins jouables. Car la tendance est au libre choix des « gamers » qui peuvent parfois même incarner un personnage sans genre.
Finalement, sachez que Grand Theft Auto VI sera une aventure dans laquelle les « gamers » joueront deux personnages… dont une femme : une première pour cette franchise dans laquelle le « deuxième sexe » n’était que passif et objet de toutes les violences.