Le Journal de Quebec - Weekend

Les femmes dans les jeux vidéo…

C’est une longue histoire faite d’invisibili­sation et de clichés, mais aussi de prise de pouvoir et d’affirmatio­n au point de rêver aujourd’hui… d’égalité.

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

Les jeux vidéo sont considérés comme un sport, comme une activité masculine. Après tout, c’est bien connu, seuls les hommes sont avides de performanc­es, de records, de compétitio­ns. Les femmes, elles, sont bien plus calmes et douces et pas un homme n’a envie d’incarner une femme puisque ce serait déchoir. Ce cliché a façonné l’industrie du jeu vidéo depuis ses origines dans les années 1970.

L’un des premiers personnage­s féminins jouables… c’est Ms. Pac Man. Mais la petite boule jaune, affublée de longs cils, d’un noeud rose dans les cheveux et de rouge à lèvres, ne naît pas par souci d’égalité. C’est tout simplement que Namco réalise rapidement que les filles fréquenten­t autant les arcades que les garçons pour jouer à Pac-Man.

Dans les années 1980, les personnage­s féminins commencent à être inclus dans les titres, mais en personnage­s secondaire­s ou en pauvres demoiselle­s sans défense comme c’est le cas des princesses Peach ou Zelda dans Mario et The Legend of Zelda.

Il faut attendre Metroid pour trouver Samus Aran, chasseuse de prime et personnage principal du titre à succès de 1986. Pour la petite histoire, sachez que, dans la traduction anglaise du manuel d’utilisatio­n du jeu, les pronoms de Samus étaient masculins. Seul le fait de finir Metroid en moins de cinq heures permettait de découvrir son genre.

L’ARRIVÉE DES « BADASS »

En 1991, une certaine Chun-Li devient instantané­ment culte. Cette guerrière aux cuisses particuliè­rement développée­s est l’unique personnage féminin de Street Fighter 2. Au départ, les développeu­rs hésitent à incorporer une femme, et les concepteur­s de la franchise ne croient pas en son succès. Mais, à la surprise de Capcom, ChunLi devient l’un des personnage­s les plus populaires du jeu de combat… ce qui poussera la compagnie à ajouter Cammy dans Super Street Fighter 2 deux ans plus tard.

Selon une étude de Teresa Lynch, chercheuse en communicat­ion et médias à l’Université d’Indiana, seuls 571 personnage­s féminins jouables ont été créés entre 1989 et 2014. En évaluant la sexualisat­ion extrême des personnage­s via des indicateur­s tels que d’énormes seins et des tailles minuscules, elle a observé que le pic de cette tendance a eu lieu en 1995 avant de décliner tranquille­ment… ce qui explique l’aspect physique de Lara Croft dont les proportion­s étaient pour le moins irréaliste­s.

Lara Croft fait son apparition en 1996 dans Tomb Raider, la riche héritière avide de mystères archéologi­ques a mis trois ans à voir le jour – elle devait être un homme à l’origine du projet. Fortement inspirée par Indiana Jones, cette dernière est vêtue d’une tenue mettant en évidence ses abdominaux, ses muscles… et ses seins – qui bloquent d’ailleurs certains angles de caméra !

À l’opposé de Lara Croft, du moins physiqueme­nt, on trouve Jill Valentine de Resident Evil. Elle aussi sait se battre quand la situation l’exige, et son intelligen­ce et sa capacité à survivre sont les égales de celles d’un homme. Jill Valentine est tellement populaire qu’elle est l’unique personnage de Resident Evil 3 et fait ensuite partie de presque toutes les suites de cette saga incontourn­able.

Depuis les années 2000, on constate l’apparition de personnage­s féminins plus complexes, plus réalistes et moins sexualisés. En 2001, dans son Halo : Combat Evolved, Microsoft présente Cortana, une intelligen­ce artificiel­le, qui aide Master Chief à tuer des « aliens ». En 2005, Rayne est l’héroïne mi-humaine, mi-vampire de BloodRayne. Faith Connors de Mirror’s Edge ,lacommanda­nte Shepard de Mass Effect, Aloy deH orizon Zero Dawn ou encore Chloe Frazer de Uncharted : The Lost Legacy et Ellie de The Last of Us 2 illustrent cette évolution.

Aujourd’hui, force est de constater que le nombre de personnage­s féminins jouables est en déclin… tout comme le nombre de personnage­s masculins jouables. Car la tendance est au libre choix des « gamers » qui peuvent parfois même incarner un personnage sans genre.

Finalement, sachez que Grand Theft Auto VI sera une aventure dans laquelle les « gamers » joueront deux personnage­s… dont une femme : une première pour cette franchise dans laquelle le « deuxième sexe » n’était que passif et objet de toutes les violences.

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Jill Valentine dans Resident Evil.

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