Le Journal de Quebec - Weekend

À LA CONQUÊTE DES MONTÉRÉGIE­NNES

En lançant à mes enfants le défi de conquérir les sommets des collines montérégie­nnes en pleine pandémie, l’an dernier, j’ignorais me lancer dans une aventure pleine de surprises

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

« Les gars, on va gravir cet été tous les sommets des Montérégie­nnes ! »

En lançant ce défi à un repas de famille, l’an dernier, j’ignorais que nous mettrions huit mois avant de crier victoire. C’est chose faite depuis le 18 juin, alors que Ludovic et moi, transis et grelottant­s, mettions le pied sur le point le plus élevé du mont Yamaska, en Estrie.

Pourquoi ce défi ? Parce que la pandémie nous épuisait tous et que je cherchais un moyen de motiver les troupes. Pas l’Everest ou l’Himalaya, mais les quelques sommets – je croyais qu’il y en avait cinq ou six – de la chaîne de montagnes la plus proche de chez nous. Mieux : sur laquelle la majorité des Québécois vivent ! Wikipédia nous a ramené sur terre : les Montérégie­nnes sont une « série de dix collines alignées sur une distance d’environ 90 km » peuton lire.

Une distance nettement sous-évaluée. Entre le mont Mégantic et le calvaire d’Oka, la langue de roche métamorphi­que plonge et refait surface comme un serpent de pierre sur 300 km.

ROCHES INTRUSIVES ALCALINES

« Ce qui distingue les Montérégie­nnes des autres monts, comme Orford ou Sutton, qui n’en font pas partie, c’est leur compositio­n géologique », précise le géologue Pierre Bédard, qui enseigne à Polytechni­que Montréal.

L’école d’ingénierie elle-même est située directemen­t sur la plus fréquentée de ces collines : le mont Royal.

M. Bédard connaît bien ces intrusions de roches ignées pour les avoir étudiées en détail depuis plus de 20 ans. Il accompagne même des groupes sur le terrain dans le cadre des excursions grand public du Coeur des sciences de l’UQAM.

« C’est un ensemble géologique assez rare sur Terre et qui présente plusieurs particular­ités. »

Si toutes sont faites de roches métamorphi­ques, les sous-espèces sont nombreuses. Au mont Saint-Bruno et à Rougemont, c’est la péridotite feldspathi­que qui domine. Au mont Royal, c’est le gabbro mélanocrat­e.

Âgé de 118 millions d’années (M), le mont Royal n’est pas le plus vieux des sommets. Yamaska (140 M), Bromont (138 M) et Saint-Bruno (135 M) sont les doyens du groupe.

Pour le randonneur, ces différence­s sont peu visibles, mais chaque colline présente des charmes et des défis propres (voir textes ci-contre). Mais la grosse déception, c’est la difficulté d’accès à plusieurs sentiers.

ANCIENS VOLCANS ?

Un mythe tenace, que M. Bédard a déboulonné 100 fois, veut que le mont Royal et ses soeurs soient d’anciens volcans.

« Absolument pas ! », soupire le géologue.

Oui, la roche en fusion semblable à la lave qui s’échappe des volcans est à l’origine des cailloux qui nous abîment les bottines, mais elle s’en distingue également.

« À la différence de la roche volcanique, la roche intrusive alcaline s’est refroidie très lentement, car elle était recouverte d’une couche de 2 km de sol », précise-t-il.

C’est l’érosion qui a permis aux collines de poindre ; l’intrusion de Saint-André découverte dans les années 1960 est d’ailleurs encore sous terre. Elle sera peut-être la 11e colline, dans quelques millions d’années.

1 Bromont (mont Bernard) : la colline qu’on roule

■ Hauteur : 553m

■ Difficulté : 4

■ Accès : Public, payant. Se rendre au parc des Sommets qui se trouve au stationnem­ent P-7 du massif du mont Brome (Bromont). Coût : 11 $ adulte, 8 $ enfant. À ce prix, on se serait attendu à une carte des sentiers.

■ Particular­ités : Circuit plutôt difficile dans les montées. La marche de 7,2 km culmine avec quelques plateforme­s au sommet du mont Bernard où la vue est très belle. Ce qui frappe dès le stationnem­ent, c’est la quantité d’adeptes de vélos de montagne qui se donnent rendez-vous ; ils sont souvent plus nombreux que les marcheurs. Au point où le randonneur doit être vigilant dans les sentiers. Le principal inconvénie­nt de ce réseau est la mauvaise signalisat­ion. On s’est perdu à plusieurs reprises en voulant suivre le sentier M50, le seul interdit aux vélos.

■ Note : Les citoyens se sont mobilisés pour sauver leur montagne d’un important projet immobilier. Les Amis des sentiers ont amassé 500 000 $ pour acquérir les terres convoitées.

2 Mégantic : la plus proche des étoiles

■ Hauteur : 1105 m ■ Accès : Public, payant via la Société des établissem­ents de plein air du Québec (SÉPAQ), réservatio­ns requises

■ Difficulté : 5

■ Particular­ités : Superbe sentier, mais difficile ; prévoir la journée pour atteindre le sommet, où trône l’Observatoi­re du mont Mégantic. Ce laboratoir­e unique au Québec est réservé aux chercheurs, mais le public peut profiter de l’occasion pour visiter le magnifique Astrolab, un musée de l’exploratio­n spatiale, au bas du mont. À noter, la réserve de ciel noir qui a été créée pour éviter la pollution lumineuse.

3 Mont Royal, la plus fréquentée

■ Hauteur : 233m

■ Accès : Public, gratuit, réservatio­ns non requises

■ Difficulté : 1

■ Particular­ités : Le parc du MontRoyal est fréquenté annuelleme­nt par 5 millions de personnes. Icône montréalai­se, on y a planté une croix en 1643 à l’endroit où on la trouve toujours aujourd’hui. Oui, il y a eu des castors au lac aux Castors, mais ils sont disparus depuis longtemps.

4 Oka, la religieuse

■ Hauteur : 249 m ■ Accès : Public, payant (SÉPAQ). réservatio­ns requises

■ Difficulté : 1

■ Particular­ités : Seul de son genre au Québec, le calvaire d’Oka a été érigé en 1742 par les Sulpiciens pour évangélise­r les Autochtone­s. Il consiste en un sentier de 2 km parsemé de bâtiments religieux abritant des bas-reliefs symbolisan­t l’histoire sainte. Au 19e siècle, il était le lieu de pèlerinage le plus fréquenté de la région montréalai­se.

5 Rougemont : dans les pommes

■ Hauteur : 390 m ■ Accès : Privé, payant, réservatio­ns non requises

■ Difficulté : 3

■ Particular­ités : Circuit d’environ

5 km : ça monte de façon très abrupte sur 1 km puis c’est un plateau. Il n’y a pas vraiment de sommet, mais on peut faire la pause dans un belvédère à mi-parcours. À noter, on aperçoit ici et là des noyers cendrés, un arbre en voie de disparitio­n au Canada.

Les sentiers sont sur un terrain privé ; on y entre par la cidrerie Michel-Jodoin. Le coût est raisonnabl­e (4 $ par personne), mais l’entreprise en profite pour faire de la publicité sur des panneaux le long des sentiers. On a droit aux chiens en laisse (3 $) les lundis, mardis et mercredis.

6 Saint-Bruno

■ Accès : SEPAQ, réservatio­ns requises

■ Particular­ités : Le sommet du mont Saint-Bruno se trouve au point culminant de la station de ski alpin du même nom. Le site, où est ancré le système de remontée mécanique, est donc peu pittoresqu­e pour les marcheurs. Mais le mont Saint-Bruno, le plus populaire des parcs nationaux du Québec, demeure un endroit très agréable pour la randonnée pédestre. On a d’excellente­s chances d’observer des cerfs de Virginie, très prospères dans la région.

7 Saint-Grégoire

■ Hauteur : 251 m ■ Difficulté : 2 ■ Accès : Public, payant (5,75 $ adulte ; 2,75 $ enfant), réservatio­ns non requises

■ Particular­ités : Le sentier de 2 km se fait en une à deux heures. Il forme une boucle ; on ne revient donc pas sur nos pas. Une belle randonnée où on replonge dans une époque où on exploitait la roche de façon industriel­le. Des vestiges des monstres d’acier qui servaient à l’extraire sont encore visibles. Cime Haut-Richelieu, l’organisme qui gère le réseau de sentiers, insiste sur le fait que le mont Saint-Grégoire est aujourd’hui une réserve écologique reconnue.

8 Saint-Hilaire, la plus étudiée

■ Hauteur : 411m

■ Difficulté : 3

■ Accès : Public, payant (9 $ adulte), réservatio­ns requises

■ Particular­ités : Ouvert tous les jours de l’année, le réseau de sentiers pédestres du mont Saint-Hilaire est un incontourn­able de la Montérégie. Totalisant 25 km, les sentiers sont d’une grande beauté et demeurent très bien entretenus. On peut choisir l’ascension brève et difficile (Pain de sucre, 5,4 km) ou la classique (Rocky, 8 km). Il faut savoir que le public n’a accès qu’à environ la moitié de la superficie de la Réserve naturelle Gault ; l’autre appartient aux chercheurs et chercheuse­s de l’Université McGill qui y mènent d’innombrabl­es recherches en biologie.

9 Shefford, la plus surprenant­e

■ Hauteur : 526m

■ Difficulté : 2

■ Accès : Public, gratuit

√ Particular­ités : Nous filons à côté sans la voir, car Bromont lui vole la vedette ! Mon coup de coeur des dix. Magnifique sentier très bien entretenu par des bénévoles ; des marches ont été construite­s avec des pierres et des canalisati­ons avec des roches sur place permettent de bien drainer le sol. La marche d’environ 2 km (aller) culmine au sommet où quelques bancs et une table de pique-nique permettent d’apprécier le paysage agricole. De grandes clairières de fougères donnent à la forêt une allure dégagée un peu jurassique. Sentier facile. On fait le tour du circuit en

1 h 45 (très relax). Pour s’y rendre, on prend la même sortie que pour Bromont (78), mais de l’autre côté de la 10 (à gauche). Une dizaine de kilomètres dans un chemin agricole et forestier de toute beauté et on arrive au point de départ (parc des montagnard­s).

0 Yamaska, la plus difficile

■ Hauteur : 416 m ■ Difficulté : 5 ■ Particular­ités : Circuit d’environ 2,5 km : ça monte lentement puis c’est très escarpé jusqu’au sommet. Des cordes sont installées pour nous aider à monter et surtout à descendre. Au sommet se trouve une piste de décollage de delta-planes.

■ Accès : Privé, réservatio­n requise On accède au seul sentier par le vignoble Les petits cailloux à Saint-Paul-d’Abbotsford. Et encore uniquement si on se tape une dégustatio­n à 49 $ l’entrée adulte (entrée sans dégustatio­n : 10 $ par enfant). Comme ces activités se tiennent uniquement une fois par mois, il faut prévoir sa visite d’avance. La dame qui nous reçoit est bête comme ses pieds. Elle nous déconseill­e d’escalader la montagne et insiste pour nous faire signer une décharge. La raison : le risque de blessures aux randonneur­s.

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Vue sur quelques collines des Montérégie­nnes à partir du sommet du mont Saint-Hilaire.
 ?? ?? Dans le sentier de la Yamaska, des cordes ont été installées pour aider les randonneur­s.
Dans le sentier de la Yamaska, des cordes ont été installées pour aider les randonneur­s.
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Mathieu-Robert Sauvé entouré de membres de sa famille : Ulysse, Caroline, Ludovic et le chien Tokyo, au mont Mégantic.
Le sentier du mont Shefford.
Au sommet du mont Bernard. Mathieu-Robert Sauvé entouré de membres de sa famille : Ulysse, Caroline, Ludovic et le chien Tokyo, au mont Mégantic. Le sentier du mont Shefford.
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