Le Journal de Quebec - Weekend

ROMANS D’ICI UN REPORTER QUI SAIT ENQUÊTER

Un polar nordique, une signature québécoise, une intrigue solide, un héros accessible, voilà ce qui donne un roman captivant !

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Il vaut la peine d’entrer dans L’étonnante mémoire des glaces en faisant un détour par la toute fin : la section des remercieme­nts.

Catherine Lafrance y indique que son roman a été long à écrire « puisqu’il m’a fallu apprendre à maîtriser les très strictes règles du polar ».

Eh oui ! Ce roman touffu et pourtant sans longueur, malgré ses 400 pages, est son premier du genre. Or il est à la hauteur de ce qui se fait de mieux comme suspense.

Le héros créé par Lafrance — déjà exploité dans quelques nouvelles et pour lequel elle annonce une série — s’appelle Michel Duquesne. Il est journalist­e, spécialist­e des affaires tordues.

En ce 2 janvier glacial, un incendie a fait 4 morts, dont deux enfants, dans un village de l’Estrie. Un fait divers terrible certes, mais qui n’est pas dans les cordes de Duquesne. Sauf que la salle de rédaction est déserte, alors c’est lui qui doit s’y coller.

Sur place, le reporter d’expérience constate rapidement quelques bizarrerie­s : un pompier qui laisse échapper les mots « cocktail molotov », un policier très embarrassé, de drôles de traces dans la glace, et le constat que les deux édifices atteints par les flammes se situent dans un coin très isolé de Saint-Albert-surle-Lac.

Anne-Marie

Bérubé, la journalist­e de l’hebdo local, lui confirme par ailleurs que tout n’est pas net dans cette tragédie. Ainsi, seules des femmes et quelques enfants habitaient les immeubles touchés. Curieux, non ?

Et un Duquesne curieux, ça fouille ! Sauf que chaque informatio­n récoltée accentue le mystère à percer.

Peu à peu, le journalist­e va comprendre que sous la tragédie, des réseaux sont à l’oeuvre : de prostituti­on d’un côté, de pédophilie de l’autre. Mais qui donc y participe, qui les dirige et qui sait ce dont il retourne ?

Tout cela nous est raconté avec grande crédibilit­é. Lafrance a longtemps été journalist­e, notamment à Radio-Canada et à TVA, et elle sonne juste pour évoquer les relations dans une salle de presse ou la quête du scoop.

UNE NORDICITÉ ASSUMÉE

Elle accole par ailleurs à son Duquesne des caractéris­tiques personnell­es, dues à une jeunesse sur le bord de la délinquanc­e, qui le rendent bien humain. Sa conjointe, avocate, vit elle aussi avec des blessures du passé, tout comme la jeune Bérubé. De quoi les rendre sensibles aux drames cachés.

S’ajoute le fait que Lafrance sait raconter. Elle a signé trois autres romans avant ce polar, et cette expérience compte. Elle a une façon de nous tenir en haleine qui, plutôt que de multiplier les rebondisse­ments, repose sur les interactio­ns, très justes, entre les nombreux personnage­s que croise Duquesne.

Et puis elle exploite l’hiver de manière efficace : la neige et le verglas deviennent des rouages essentiels au récit. Toute une réussite que cette nordicité assumée, rendue avec les mots qui donnent froid dans le dos !

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