Le Journal de Quebec - Weekend

QUAND ON SE COMPARE, ON SE CONSOLE... VRAIMENT ?

- PSYCHOLOGI­E Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

Avez-vous remarqué à quel point on ne cesse de se comparer ? Avec les membres de sa famille, ses voisins, ses amis, ou certaines personnali­tés publiques. Tous les prétextes sont bons pour épier les autres afin de savoir pourquoi ils sont plus beaux, plus riches, et surtout, plus heureux que nous.

Cette « manie » de se comparer aux autres est surtout un processus normal dans notre évolution. Enfant, le cadeau, le jouet ou le morceau de gâteau de l’autre paraîtra toujours meilleur que le nôtre.

Dès le berceau, dans notre famille, puis à l’école et ensuite dans le reste de la société, on se comparera à ceux qui nous entourent.

À moins de vivre en solitaire et coupé des autres, personne ne pourra échapper à ce jeu (parfois cruel) : être ensemble, c’est être sujet à la comparaiso­n.

L’adage dit pourtant : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. » Or, qui d’entre nous ne s’est jamais désolé devant ceux et celles pour qui tout semble réussir ?

Ces pensées ne sont pas toujours les plus nobles, et elles nous rappellent chaque fois à quel point nous sommes humains… tant qu’à nier ces sentiments, aussi bien les admettre !

DOULOUREUS­ES ENVIES

Alors, s’il est normal de se comparer aux autres, pourquoi est-ce aussi souffrant ? Parce que l’envie est un sentiment douloureux qui ne facilite en rien notre existence : lorsque nous envions quelqu’un, c’est que nous voulons ce qu’il possède, et parfois de manière intense.

Même si cela prend racine dans l’enfance (« Mon jouet est plus beau que le tien ! », « Mon père est plus fort que le tien ! »), au fil des années et des expérience­s, notre regard s’aiguise : l’herbe est-elle vraiment plus verte chez le voisin ? Sa petite famille parfaite l’estelle vraiment ?

Il est vrai que les inégalités et les injustices peuvent nourrir les envies et les jalousies ; à l’échelle d’une société, cela peut provoquer de graves et nombreuses tensions. Elles sont d’ailleurs flagrantes dans les pays où les écarts entre riches et pauvres sont particuliè­rement visibles.

À l’opposé, une personne satisfaite de son existence comprend bien qu’il est impossible que tout un chacun vive exactement de la même façon, peu importe où ils habitent.

SE COMPARER… À UNE IMAGE INCOMPLÈTE

Au fond, la comparaiso­n se résume à une chose : à une photograph­ie, à un regard très limité, passager et en surface sur les autres. Et la plupart du temps, il s’agit d’un moment, d’un exploit ou d’un objet en apparence extraordin­aire, mais qui ne se résume qu’à un fragment de la réalité... La vue d’ensemble reste bien cachée.

Après tout, chaque existence, chaque vie, même la plus dorée, cache une part d’ombres, de drames, et d’échecs qui nous échappe : toute comparaiso­n avec autrui est par le fait même trompeuse. Oui, le voisin a une maison beaucoup plus imposante que la nôtre, mais savons-nous réellement quels sacrifices il a dû faire pour l’obtenir ? Et comment comparer cette maison à notre demeure plus modeste qui nous a permis de voyager chaque année depuis 20 ans ?

ET SI NOUS APPRENIONS PLUTÔT À NOUS APPRÉCIER (RÉELLEMENT) ?

Plutôt que de nous comparer aux autres, essayons plutôt de nous comparer… à nous-mêmes.

Se mesurer à soi-même, c’est réfléchir à ses propres valeurs, penser à ses objectifs à court et à moyen terme. C’est aussi porter un regard sur sa propre évolution, sur les zones de satisfacti­on et de gratificat­ion dans notre parcours, autant que sur ce qui a pu nous échapper par moments.

C’est également l’occasion de rectifier le tir au besoin. Cela dit, comme nous sommes grégaires et que nous vivons en société, nous n’échapperon­s jamais entièremen­t à la comparaiso­n.

Peut-être nous faudra-t-il alors cesser d’idéaliser ce qui n’est qu’un mirage : l’apparence de perfection chez les autres.

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