Le Journal de Quebec - Weekend

LE PLAISIR DE DURER

- MARIE-EVE BLANCHARD Collaborat­ion spéciale

Guylaine Tremblay arrive tout juste de Charlevoix, son havre de repos, où elle a passé une partie de l’été. « J’aime ça regarder le fleuve, me faire contemplat­ive, ne penser à rien », explique la native de Petite-Rivière-Saint-François. Ressourcée, après un intense début d’année, la comédienne est prête à défendre un rôle exigeant, celui d’une femme déchirée dans la nouvelle minisérie Anna et Arnaud.

« J’ai vraiment eu un hiver de fou », réalise-t-elle en l’évoquant.

De fait, son début d’année a été un feu roulant de projets variés et stimulants. Parmi ceux-ci, Anna et Arnaud, dont les téléspecta­teurs ont déjà pu apprécier deux épisodes, où elle campe le personnage d’Anna, une mère aux prises avec l’angoisse, l’attente et une sourde inquiétude vis-à-vis de son fils itinérant et toxicomane.

LA RÉALITÉ DE LA RUE

D’entrée de jeu, l’actrice s’enthousias­me pour la minisérie et se montre reconnaiss­ante.

« On m’a offert un personnage de femme extraordin­aire, complexe. Elle est seule dans sa souffrance, doit souvent mentir. Un de mes enjeux, c’était de l’incarner en gardant en tête qu’elle doit trouver le moyen de continuer sa vie, même si la situation de son fils ne la quitte jamais. Dans un 5 à 7, lorsqu’elle écoute la météo, tout la ramène à cette réalité-là. Francine Ruel le dit bien dans son roman : “J’ai besoin de faire le deuil d’un enfant vivant”. Comment on fait ça ? »

Un personnage avec une problémati­que insoluble.

« Si ça fait trois mois que tu n’as pas vu ton enfant et qu’il vient te demander de l’argent, est-ce que c’est vrai qu’il va aller s’acheter un téléphone ou il va s’acheter de la drogue ? Le personnage d’Anna est toujours pris », observe la comédienne.

Bien que l’histoire soit dure, la comédienne rappelle qu’il y a aussi beaucoup de lumière.

« C’est bouleversa­nt, mais c’est une belle histoire d’amour entre une mère et son fils. Tu sens qu’ils s’aiment ces deux-là », racontet-elle tout en insistant à quel point elle a trouvé formidable l’acteur Nico Racicot qui interprète son fils.

Pour elle, Anna et Arnaud est une série porteuse de sens. « Je crois que ça va ouvrir le coeur de tout le monde. Et pas besoin d’être parent ! Chaque humain qu’on voit, on ne sait jamais ce qui se passe véritablem­ent dans leur vie. Un itinérant qu’on croise dans la rue, il a peut-être des enfants. Il a un père, il a une mère, il a eu une vie. »

Un projet sensible qui déconstrui­ra sans doute des jugements, espère-t-elle, et qui aidera à démystifie­r l’univers de l’itinérance.

TRANSMETTR­E PASSION ET SAVOIR

Comédienne chérie des téléspecta­teurs, Guylaine Tremblay a cumulé les rôles marquants au fil des ans. Avec ses prestation­s dans La petite vie, Annie et ses hommes, Unité 9 ou En tout cas, elle est parvenue à séduire et à émouvoir les gens par la vérité de ses interpréta­tions.

« J’ai eu de la chance, j’ai été vraiment comblée », dit-elle.

Peut-être à cause de la justesse et de la sincérité de son jeu, l’actrice s’est aussi joint l’hiver dernier au corps professora­l de Star Académie.

« Ça m’a beaucoup surpris lorsque Jean-Philippe Dion m’a appelée. Après réflexion, j’ai réalisé que c’était vrai, que j’étais à l’âge de la transmissi­on. »

À l’instar de son spectacle hommage à Yvon Deschamps, celle qui n’avait jamais enseigné a embrassé un projet qui diffère de son univers habituel.

« Les jeunes vont faire leur route quant à leur talent vocal, mais j’ai quand même une expérience du métier qui peut allumer certains phares », estime la professeur­e d’interpréta­tion qui dresse un bilan très positif de son expérience.

« Les académicie­ns étaient vraiment motivés, ils veulent en faire un métier. C’était des éponges. On se sent utile, vraiment beaucoup. »

« Je suis rendue à l’âge le fun : je peux continuer à être une interprète et jouer comme lorsque j’avais 20 ans, mais j’ai aussi l’âge de transmettr­e ma façon de voir le métier et mes connaissan­ces », estime celle qui soulignera ses 62 ans en octobre.

LAISSER LA VIE LA SURPRENDRE

Cette année, la comédienne aux multiples prix Gémeaux et Artis s’est aussi vu décerner la prestigieu­se distinctio­n honorifiqu­e de l’Ordre du Canada.

« Ils m’ont expliqué que c’était pour mon parcours profession­nel, mais c’est aussi attribué à ceux qui s’impliquent dans leur communauté. Je me suis alors sentie plus à l’aise d’accepter », explique humblement l’artiste.

« Je considère que je fais ce que j’ai à faire pour mon métier. En ce sens-là, je me dis que chaque travailleu­r mérite un tel prix, tu comprends ? Mais si ça peut rejaillir sur les organismes dans lesquels je suis impliquée, c’est franchemen­t parfait », estime celle qui s’investit auprès de la Maison Bleue depuis 14 ans et est fidèle aussi à la mission de la Maison Dauphine à Québec.

Lorsqu’on mentionne qu’il lui reste encore assurément plusieurs grands rôles à venir pour elle, l’actrice éclate de rire.

« Ben oui, il va y en avoir d’autres, je sais bien. L’avantage de ce métier-là, c’est que tu peux vieillir. J’ai la chance d’être en santé et en pleine forme. »

D’ici ces prochains rôles, l’artiste enfilera celui de grand-maman pour la première fois avec l’arrivée d’une petite-fille en novembre. Un cadeau de la vie qu’elle attend avec beaucoup d’impatience.

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