Le Journal de Quebec - Weekend
L’ATTRAIT POUR LE LÉGAL… ET LES CROCHES
Séries judiciaires, true crime, téléréalité, notre fascination pour le criminel et le monde de la justice ne décroît pas. L’offre n’a d’ailleurs jamais été aussi foisonnante. Les séries mettant en vedette des avocats cartonnent, les reconstitutions pullulent, stimulant à la fois notre côté voyeur et notre désir de comprendre et d’être aux premières loges comme vaillants témoins. J’en parle avec deux spécialistes qui creusent la question à leur manière sur nos ondes : le producteur au contenu Yves Thériault et l’avocat criminaliste Me Richard Dubé.
« Il y a toujours eu de l’intérêt pour le judiciaire depuis que le monde est monde, rappelle Yves Thériault, producteur au contenu et concepteur des Justiciers. Les gens sont fascinés par les histoires criminelles et ceux qui ne respectent pas les lois avec ses avantages et ses risques. Peut-être parce que nous avons tous un petit côté délinquant qui sommeille en nous. L’aspect plus polar nous pousse à comprendre qui a fait quoi, quelles sont les motivations. Mais on se demande aussi comment le criminel va se faire pogner ou pas. Il y a un côté voyeur à ça comme c’est le cas pour la téléréalité. Il y a un aspect suspense parce qu’on se demande qui va avoir gain de cause. »
Me Richard Dubé côtoie depuis le début de sa carrière des clients qui ont franchi la ligne. Des histoires qui de près ou de loin l’ont inspiré et donné envie de créer la série Indéfendable.
« Nous sommes fascinés par la transgression, dit M. Dubé. Nous sommes tous conditionnés par des normes sociales. Mais qui n’a pas eu envie de faire quelque chose qu’il ne peut pas faire ? Ce n’est pas pour rien que les voleurs de banques dans les films sont perçus comme des héros, et certains tueurs magnifiés. »
LES COULISSES DU PALAIS
Malheureusement, l’actualité déborde de cas. Ils deviennent autant de sources d’inspiration pour nos créateurs ou, dans le cas de la téléréalité Les justiciers, de causes à défendre.
« Le palais de justice est une mine inépuisable de sujets, constate Yves Thériault à qui l’on doit aussi L’arbitre, Les coulisses du palais et Histoire à mourir debout. Derrière chaque porte, un drame se joue. »
Me Dubé abonde dans le même sens. Avec Indéfendable, il voulait montrer que tout le monde peut se retrouver le pied dans l’engrenage et faire face à la justice.
« Un criminel peut être n’importe qui. Dans l’inconscient collectif, c’est toujours le pire. Pourtant, ils se font rares dans les palais de justice. Il y a plutôt une surreprésentation de gens qui ont de la misère dans la vie. Ce ne sont pas des mocriminels, tards mais plutôt des gens qui ont manqué de jugement et qui ont posé un geste.
J’avais ce désir de changer les perceptions de ce que sont les criminels. »
UNE FAÇON D’ÉDUQUER
« Avec Les justiciers, nous sommes face à des causes de petites créances. Nous avions envie d’amener l’exercice plus loin. Il y a un aspect qui demeure mystérieux pour les gens, c’est la délibération. Le jury, c’est hors limite. Personne ne peut savoir ce qu’ils se disent. Au lieu d’avoir un avocat, nous en avons trois. C’est la chance d’avoir accès à ce huis clos absolu. La sentence, le verdict, le montant des dommages, c’est inédit. Et c’est le juste équilibre entre la confrontation des idées et la complicité. Il y a un côté un peu pédagogique. On peut apprendre certaines notions de droit. On rappelle des trucs élémentaires. Et au-delà de la loi, il y a des leçons de vie. »
L’exactitude en fiction assure aussi une forme d’éducation même si ce n’est pas le but premier. Chose certaine, Me Dubé, qui instaure les causes d’Indéfendable et qui en supervise le contenu juridique, ne fait aucune concession.
« C’est un souci constant que j’ai de m’assurer de la crédibilité des scènes de cour. Avant, un avocat se promenait en plaidant devant le jury. Ça ne se fait plus. Mais c’est une convention que les gens connaissent et qu’on a acceptée parce que c’est plus intéressant dramatiquement. Sinon, je ne fais pas de concesC’était sions. important d’éviter l’enflure ou la théâtralité qu’on voit souvent en fiction. Je veux que les gens puissent se dire que c’est comme çaqueçasepasseen cour. Pas par souci d’éducation, mais parce que je veux montrer ce qu’est un avocat de la défense, ses valeurs, ses fonctions, son importance. » Alors que le système de justice est critiqué, que les gens utilisent les réseaux sociaux comme tribunal populaire, en quoi des séries comme Indéfendable prennent-elles un sens ? « Il faut montrer l’importance de la présomption d’innocence. Tout notre système est fondé sur ça. »