Le Journal de Quebec - Weekend
LES EXCÈS DU CAPITALISME
Après La loi du marché et En guerre, le réalisateur français Stéphane Brizé poursuit son exploration des dérives du monde du travail avec Un autre monde, son nouveau film dans lequel il relate les tourments d’un cadre d’entreprise à bout de souffle. Le Jo
Dans La loi du marché (2015), Vincent Lindon se glissait dans la peau d’un chômeur qui peine à trouver du boulot. Dans En guerre (2018), il défendait le rôle d’un leader syndical luttant contre la fermeture d’une usine.
Dans Un autre monde, sa cinquième collaboration avec le cinéaste Stéphane Brizé, l’acteur de 63 ans passe du côté du patronat pour incarner cette foisci un cadre dirigeant en instance de divorce qui a du mal à supporter le plan de réduction de personnel drastique commandé par ses supérieurs.
« Les conditions [de travail] pour les gens sont de plus en plus difficiles à vivre et ont de quoi les rendre malades, observe Vincent Lindon, dans une entrevue par visioconférence accordée plus tôt cette année.
« Dans La loi du marché, Stéphane (Brizé) avait montré les difficultés de la classe ouvrière. Dans Un autre monde, il démontre que ce qui se passe dans la partie adverse [les cadres] peut être aussi absolument terrible. Des deux côtés, on voit une souffrance terrible…
« Ce qui est fascinant dans ce film, c’est que Stéphane Brizé ne prend pas les gens par la main. Il ne dit pas aux spectateurs de penser ceci ou cela. Il montre une réalité en nous laissant réfléchir et penser à tout cela. Le drame et la complexité du monde, c’est que tout n’est pas blanc ou noir et que tout n’est pas bien ou mal. Ça serait trop facile de savoir ce qui est bien ou mal… »
Stéphane Brizé assure que même s’ils dénoncent les excès du capitalisme sauvage, ses films La loi du marché, En
guerre et Un autre monde n’ont pas été pensés comme une trilogie. C’est à force de rencontrer plusieurs cadres d’entreprises pour l’écriture d’En guerre que le cinéaste s’est rendu compte qu’il existait aussi beaucoup de souffrance du côté de la partie patronale.
« En discutant avec plusieurs cadres, j’ai commencé à entendre que les injonctions qu’ils devaient porter au quotidien n’étaient pas si faciles à supporter et à gérer », résume le réalisateur.
HYPERRÉALISME
Certains de ces cadres que Brizé a rencontrés pour la préparation d’Un
autre monde jouent d’ailleurs des rôles à l’écran dans le film. Même si le processus de casting des acteurs non professionnels peut être long et ardu, le cinéaste apprécie le réalisme que ceux-ci apportent à son film.
« Ce qui est long, c’est la recherche de toutes ces personnes, confie-t-il. Pour en trouver une qui va assurer devant la caméra, il faut en rencontrer beaucoup et ça nécessite souvent des mois et des mois de recherche. C’est aussi parfois éprouvant pendant le tournage parce que je leur demande les mêmes choses que je demande aux acteurs professionnels. Mais en bout de ligne, je suis moi-même le premier surpris de voir la magie de cet hyperréalisme qu’ils apportent au film et qui est notamment nourri par leur propre expérience du monde qu’on essaie de transposer à l’écran. »