Le Journal de Quebec - Weekend
DÉNONCER LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
Choquante et complexe, Une de moins, la vingtième enquête de Maud Graham, plonge tout droit dans l’univers du crime, de la misogynie la plus abjecte, de la souffrance humaine et dans une noirceur de l’âme exacerbée par la pandémie et les réseaux sociaux. L’écrivaine Chrystine Brouillet, qui souligne cette année les 40 ans de sa carrière d’écriture, ne mâche pas ses mots pour dénoncer, dans cette oeuvre de fiction, des problèmes sociaux qui sont, eux, bien réels. La violence, la recrudescence des propos haineux sur le web et l’horreur des féminicides sont au coeur du roman.
Maud Graham, enquêteuse à Québec, doit chaque jour affronter l’inconnu. Tout comme son fils Maxime, qui entame sa carrière de policier à Longueuil. Chaque jour, de nouveaux crimes, de nouveaux drames, de nouveaux conflits surgissent un peu partout. Et la pandémie de COVID-19 ne vient pas simplifier les choses, loin de là…
Dès le début du confinement, Maud Graham prédit qu’il y aura une recrudescence de féminicides, puisque les victimes sont désormais enfermées avec leurs bourreaux. Malheureusement, sa prédiction s’avère juste et elle constate avec horreur la vague de violence meurtrière qui déferle sur la province. Elle se sent impuissante en pensant à toutes ces femmes qu’on n’arrive pas à protéger.
Lorsqu’un nouveau drame survient à Québec, l’enquêteuse d’expérience constate que ce féminicide dissimule une autre réalité : la haine d’autres hommes qui, derrière leurs écrans d’ordinateur, propagent une autre forme de violence.
Page après page, au fil de l’histoire, Chrystine Brouillet dénonce des comportements, des attitudes, des situations qui n’ont pas leur raison d’être.
UN CARNET DE BORD DE PANDÉMIE
En entrevue, elle exprime son désarroi et sa colère face à la violence faite aux femmes.
« Quand j’ai écrit ce livre, ça faisait quand même plus d’un an qu’on était dans la pandémie. Tout de suite, quand la pandémie a commencé en 2020, j’ai vraiment écrit un carnet de bord de pandémie en me disant : je ne me souviendrai pas de tout. On se souvient du premier jour du confinement, du premier vaccin. Mais les détails du quotidien qu’on retrouve dans le livre, ça, on les oublie. »
« Je me souviens que j’ai noté qu’il y aurait une recrudescence de féminicides, en espérant me tromper. Mais malheureusement, je ne me suis pas trompée du tout. Ça n’a jamais été aussi pire. Ça ne s’est pas vu dans les six premiers mois, mais après, au fil du temps, on a bien vu que c’était une catastrophe. Ça ne peut pas faire autrement : les femmes sont prises dans la même maison avec leur bourreau. »
Elle poursuit. « En plus, elles ne pouvaient pas se libérer, elles ne pouvaient pas sortir. Ça a été un vrai cauchemar. L’aide qu’elles pouvaient recevoir était diminuée, comme dans tous les services sociaux.
Je ne pense pas qu’il y avait de la mauvaise volonté, mais les refuges étaient à pleine capacité. »
EN PARLER, ENCORE
La pandémie a exacerbé des situations qui n’étaient déjà pas fameuses, ajoute-t-elle.
« Ajoutez les problèmes financiers en plus : c’était vraiment un cocktail parfait pour qu’il y ait une hausse considérable de féminicides. J’avais déjà parlé de féminicide avec Six minutes et j’espérais ne pas avoir à en reparler. »
« Mais non, je me suis dit : il faut en parler encore. On n’en parlera jamais trop. On ne dénoncera jamais trop ces comportements-là. Mais c’est quand même effrayant : on est en 2022. »
Par ailleurs, il est également question de violence diffusée par les réseaux sociaux dans Une de moins. Elle a imaginé un forum où des propos haineux sont échangés entre individus.
« C’est inquiétant parce que ce sont des hommes qui sont dangereux. C’est une forme de terrorisme. »