Le Journal de Quebec - Weekend
UN TUEUR EN SÉRIE DE L’ÈRE VICTORIENNE
De Québec à Londres, l’écrivain Dean Jobb est parti sur la piste d’un tueur en série de l’époque victorienne. Il raconte le périple d’un médecin aux méthodes bien particulières dans L’affaire du Dr Cream, un documentaire étonnant et bien fouillé dont la traduction française est maintenant disponible. Suivant la piste d’un criminel notoire, Dean Jobb découvre les multiples facettes de cet étrange tueur en série.
On connaît bien Jack l’Éventreur, qui a marqué l’imaginaire de milliers de gens. Mais connaissez-vous le Dr Cream, le médecin canadien le plus meurtrier de l’ère victorienne ?
Né à Glasgow, en Écosse, en 1850, Thomas Neil Cream a grandi à Québec et étudié à l’Université McGill. Il est soupçonné d’avoir tué deux femmes, à Québec et en Ontario, et jusqu’à quatre personnes à Chicago, avant d’arriver à Londres en 1891.
L’effrayant Dr Cream commence un second pan de sa « carrière » en tuant des prostituées avec des pilules contenant du poison. Il s’en prend aux femmes très pauvres, vulnérables et désespérées qui viennent le voir en espérant obtenir une assistance médicale.
Construit autour du procès s’étant déroulé à Londres en 1892, L’affaire du Dr Cream met en lumière la confiance aveugle accordée au personnel soignant à l’époque victorienne. Le livre décrit aussi des enquêtes policières menées à la va-vite, des fonctionnaires corrompus.
Dean Jobb entraîne ses lecteurs dans les bas-fonds d’une enquête sordide qui va néanmoins révolutionner les méthodes d’enquête de Scotland Yard.
UN SUSPECT ÉVIDENT
Très documenté, le livre est basé sur une recherche documentaire très poussée. On apprend que le Dr Cream a même été de passage à l’hôtel Blanchard, à Québec, qui se trouvait près de l’église Notre-Dame-desVictoires à l’époque.
« J’écris beaucoup de true crime historique et, par conséquent, je pars à la rencontre de personnages assez étranges », commente Dean Jobb, en entrevue téléphonique de Halifax.
« Je connaissais le Dr Cream, mais aucun livre n’avait été publié à son sujet depuis plus de 30 ans. Ça m’a intrigué. Je voyais souvent apparaître son nom au cours de mes recherches pour d’autres dossiers de l’ère victorienne. »
« C’était un tueur en série, mais ce qui m’a étonné, c’est de constater à quel point il a réussi à s’en tirer, d’une fois à l’autre, en tellement de lieux différents », fait-il remarquer.
Les témoignages décrivent son attitude arrogante et misogyne, sa manière de présenter sans scrupules des poisons. Et malgré tout, il s’est souvent tiré d’affaire. « Plusieurs de ses victimes étaient en fait ses patientes. C’était un suspect évident et malgré cela, il a réussi maintes et maintes fois à se tirer d’affaire. Il était capable d’utiliser son statut de médecin, de fils d’une famille bien nantie de Québec, pour effacer les soupçons qui pesaient contre lui. »
RECHERCHES POUSSÉES
Dean Jobb a découvert des détails étonnants au cours de ses recherches.
« Je cherchais les pièces manquantes. Je savais qu’il y avait des documents qui n’avaient pas été consultés », dit-il.
« Je suis allé à Québec, à Waterloo dans les Cantons-de-l’Est, à Chicago, à Londres. Je voulais marcher dans les mêmes villes que lui, visiter les stèles des cimetières où sont enterrées ses victimes. Je voulais consulter les archives pour vraiment bien rendre ce gars et son époque. »
Dans ce nouvel univers où il n’existe de la place que pour une opinion, il n’est pas surprenant que les fausses nouvelles prolifèrent et que les échanges civilisés soient devenus chose du passé. – STÉPHANE GENDRON