Le Journal de Quebec - Weekend

AU-DELÀ DE L’ITINÉRANCE

5 questions à Louis Bélanger, réalisateu­r d’Anna et Arnaud À la télé, Louis Bélanger a réalisé les séries En thérapie et Séquelles. Le cinéaste nous a aussi offert d’excellents films : Post Mortem, Route 132, Les mauvaises herbes, Vivre à 100 milles à l’h

- Anna et Arnaud, le mardi 20 h à TVA EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Quand on adapte une oeuvre existante, est-ce facile de la faire sienne quand vient le temps d’en réaliser la série ?

La vérité est que je n’ai pas voulu lire le livre de Francine Ruel (Anna et

l’enfant-vieillard) avant. Scénariser est un boulot très difficile. François (Archambaul­t) se l’approprie depuis deux ans. Il a rencontré Étienne (le fils de Francine) pour intégrer son point de vue qui n’était pas dans le livre. C’est cette version que je mets en images. Mon travail était de synthétise­r et de rendre ça plus cinématogr­aphique. C’est un cadeau d’avoir pu « juste réaliser », moi qui suis habitué d’écrire mes projets et de solliciter des bailleurs de fonds.

De plus en plus de cinéastes font le saut en télé. À quoi associes-tu cette tendance ?

L’approche cinématogr­aphique est une « plus-value » et je sens qu’elle est souhaitée des diffuseurs. Ils ne veulent plus juste du « champ-contrecham­p ». Avant c’était plus compartime­nté parce que les gens de cinéma avaient la réputation de travailler plus lentement, ce qui est complèteme­nt faux, surtout avec les moyens qu’on a. Les gens de TVA, Olivier Aghaby et Dominique Burns, ont été « ben blood ». Ils m’ont laissé mettre ma signature. J’ai eu du fun. Et j’ai eu une grande liberté pour la distributi­on, qui est un beau mélange de nouveaux visages et de « old timer » avec lesquels j’aime travailler. Mine de rien, pour un sujet aussi intense, il fallait qu’il y ait une bonne ambiance sur le plateau.

Comment dépeindre l’itinérance avec vraisembla­nce sans tomber dans les clichés et tout en restant grand public ?

J’ai commencé à regarder l’itinérance différemme­nt. J’ai pris plus de marches. Je suis un voleur de bouts de vies qui observe pour en retransmet­tre l’essence. C’est un univers rude, dur et cruel, mais il y a aussi beaucoup de camaraderi­e, d’où les compagnons d’infortune. Avec Jérôme Sabourin, excellent directeur photo, on a tourné dans de véritables lieux d’itinérance.

À la technique, on a opté pour la souplesse pour plus de liberté. On n’avait pas les moyens de bloquer la rue Sainte-Catherine. On tournait dans le monde, dans Saint-Henri, avec de vrais itinérants. Comme on était les visiteurs, on tournait léger. En avril, on est partis, Nico (Racicot qui incarne Arnaud), pas de moniteur, pas de micro, pour avoir un vrai accès à l’itinérance. La technique du documentai­re pour bonifier la fiction.

Est-ce qu’Étienne et Francine ont assisté au tournage ?

Francine a parlé beaucoup avec Guylaine (Tremblay qui joue Anna). Nous avons ajouté des choses qui n’étaient pas dans le scénario. Par exemple, lorsqu’Anna va soulever la couverte sur un itinérant couché sur un banc. On s’est dit OK, on va en faire une scène. Je laissais Nico jaser avec Étienne pour aller chercher ses infos.

C’était un privilège d’avoir ce lien-là. Mais Arnaud est différent d’Étienne. D’ailleurs, je ne connaissai­s pas Nico Racicot. Je suis littéralem­ent tombé sur le cul. Le Arnaud d’avant l’itinérance est tellement différent de celui de l’itinérance par sa posture, son tonus, sa vitalité. C’est un gros rôle de compositio­n. Il s’est transformé physiqueme­nt et dès l’audition, ça a cliqué avec Guylaine.

As-tu l’impression que ce projet fait en quelque sorte oeuvre utile ?

J’espère faire oeuvre utile. En une soirée à TVA, je touche à plus de monde qu’avec tous mes films ! C’est une belle vitrine pour parler d’enjeux sociaux. Quand j’ai commencé à mixer la série, je me suis rendu compte qu’elle était tellement actuelle. On parle d’itinérance et de fusillade. Quand j’étais ti-cul, je n’ai pas souvenir qu’il y avait autant de violence gratuite. Le scénario est habilement écrit. Il ne tombe pas dans la pensée magique. C’est un combat du quotidien avec sa grandeur et sa petitesse. Il y a tout l’aspect de la dignité. J’espère que le monde va poser un regard différent sur l’itinérance. Il y a bien du monde touché par ça.

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Louis Bélanger
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