Le Journal de Quebec - Weekend

VIVRE AVEC LA DOULEUR CHRONIQUE

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Souffrant toutes les deux de douleurs chroniques, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux s’inscrivent dans une lignée de femmes allongées. Elles ont choisi d’écrire un essai littéraire dans cette position qu’elles connaissen­t intimement : celle d’une femme allongée sur un divan, sur un lit ou sur une civière, et qui attend.

Entourées d’autres femmes qui souffrent du même problème – des écrivaines, des artistes, des amies, des mères, des soignantes –, elles rendent hommage à la vie à l’horizontal­e. Celle que connaissen­t les accidentée­s, les insomniaqu­es, les endolories, les survivante­s, les rêveuses.

La société a voulu faire de ces femmes souffrante­s des menteuses, des hystérique­s, des folles, des plaintives. Elles déboulonne­nt un mythe : une personne est alitée parce qu’elle est paresseuse ou se lamente pour un rien. Et s’il était temps de résister, de monter la voix ? Et s’il y avait une autre façon de voir ça ?

Martine Delvaux, en entrevue, explique qu’elle souffre de douleurs chroniques au dos depuis 2012, environ.

« J’ai eu un accident qui a provoqué des hernies discales, mais ça a donné des douleurs qui ne se résorbaien­t pas. Ils ont diagnostiq­ué ce qu’ils appellent une dégénéresc­ence discale, ce qui fait que mon dos est comme plus vieux que le reste de mon corps. J’ai tout le temps mal. Il y a des crises, où c’est pire, mais je ne suis jamais sans douleur. »

MIGRAINES

Les crises font qu’elle peut être alitée.

« Le plus long que j’ai eu, c’est six semaines. Mais là, je viens de traverser trois semaines et c’est pas encore fini. C’est beaucoup de temps allongée… et je travaille beaucoup couchée. J’ai une table électrique qui monte et qui descend, j’ai une manière de travailler pour essayer de passer par-delà la douleur. »

Martine Delvaux explique que Jennifer Bélanger, avec qui elle fait équipe pour ce livre, est plus jeune qu’elle, mais elle souffre de migraines et de fatigue chronique. Elle n’a jamais obtenu de diagnostic.

« Pas un médecin est arrivé à comprendre ce qui lui arrive. Donc, elle aussi, ça taxe sa vie. Elle a écrit un mémoire de maîtrise et elle est en rédaction de thèse de doctorat sur la question de la douleur et de la maladie. »

À partir de ça, elles ont pensé à écrire sur la figure des femmes allongées.

« Le point de départ, c’était de penser à toutes ces femmes, comme Frida Kahlo, les odalisques, toutes ces images de femmes qu’on voit sur des récamiers dans des tableaux de la fin du 19e siècle. Toutes ces femmes qu’on voit couchées. »

DIFFICILE À FAIRE COMPRENDRE

Martine Delvaux trouve que la société est pleine de préjugés à l’endroit des personnes qui souffrent de douleurs chroniques.

« Moi, ce qui me fascine, c’est le fait que la douleur est impartagea­ble. Tu essaies de parler de ta douleur à quelqu’un : la personne ne peut pas la comprendre.

« C’est vraiment difficile, d’où les questionna­ires des médecins et les échelles de 1 à 10 pour savoir où se situe la douleur. C’est une douleur qui pique, qui brûle, qui gratte ? Le langage est limité : on n’arrive pas à faire comprendre à la personne en face de nous qu’on a mal. »

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Martine Delvaux et Jennifer Bélanger
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LES ALLONGÉES Jennifer Bélanger et Martine Delvaux Éditions Héliotrope 150 pages

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