Le Journal de Quebec - Weekend

HOSANNA SE DÉVOILE À 79 ANS

- Le Journal de Québec MARIE-FRANCE BORNAIS

Depuis que la Duchesse a été tuée, il y a 45 ans, Hosanna se terre dans son appartemen­t de misère, entre ses guenilles et ses rasades de gin. Michel Tremblay a sorti ce personnage fétiche de l’ombre et lui rend hommage – magnifique­ment – dans son nouveau roman, La Shéhérazad­e des pauvres. Grande gueule, cynique, haute en couleur, émouvante, pathétique parfois, Hosanna sort d’un long silence, sans avoir peur de l’autodérisi­on.

Après avoir connu son heure de gloire dans la pièce éponyme, Hosanna, alias Claude Lemieux, était restée dans l’ombre d’une humiliatio­n affligeant­e. Le vieil ex-travesti de 79 ans n’en revient pas quand Yannick, un jeune journalist­e du magazine Fugues, qui en est à la première interview de sa vie, cogne à sa porte.

Yannick, poliment, explique qu’il s’intéresse à la faune des années 1970 et cherche à mieux connaître l’époque. L’entrevue qu’il prévoyait boucler en une heure se transforme en un échange d’une semaine avec Hosanna.

Hosanna fait des confidence­s, raconte sa relation avec Cuirette, en fin de vie, la vie de misère des « folles » de l’époque, les défis lancés, l’univers festif et pailleté, mais toujours rose des travelos. La Shéhérazad­e des pauvres hypnotise Yannick avec son fascinant récit. Les lecteurs, eux, vont se régaler : ce livre donne un vrai buzz littéraire.

TRAHISON

Michel Tremblay, en entrevue, rappelle que cela fera 50 ans l’année prochaine que la pièce a été créée.

« Souvent, on me demandait qu’estce qui était arrivé à Hosanna. Je disais:ah,jelesais pas, j’ai pas eu de ses nouvelles ! »

« Toute ma vie, j’ai beau« coup parlé des résilients. Je me suis dit : ce serait quoi, quelqu’un qui n’a pas eu le courage de passer à travers une épreuve ? Quelqu’un qui s’est laissé écraser par une épreuve. Quelqu’un qui avait l’air fort ou forte, et qui s’est laissé vraiment envahir ? J’ai pensé à la trahison. »

« J’ai profité de cet immobilism­e d’Hosanna pour lui faire raconter, comme Shéhérazad­e le fait dans les contes des Mille et une nuits ,passa vie, mais tout ce à travers quoi elle est passée. La période des années 1960, des années 1970, et tout ce que les homosexuel­s ont vécu, à Montréal, depuis les années 1960. »

Lecteurs, retrouvez la Main d’alors, les bars où il ne manquait pas d’action… et le premier spectacle de Guilda à la Place des Arts. Spectacle auquel Michel Tremblay a assisté, d’ailleurs.

Le roman fait référence à ceux et celles qui ont ouvert la voie, qui ont été au coeur des premières luttes, des premiers changement­s. C’est ça qui m’intéressai­t : quelqu’un qui a été un défonceur de portes, et qui s’est laissé écraser par un seul

événement. Quelqu’un de fort qui est tellement démoli par une trahison. »

Michel Tremblay fait remarquer que c’est parfois une chose qui peut sembler anodine aux yeux des autres qui peut marquer profondéme­nt une personne.

« Moi, le cancer m’est passé au travers… mais la télévision marche pas et je ne m’en remettrais jamais ! »

NE JAMAIS ABANDONNER

L’écrivain dit qu’il a eu des coups durs, mais qu’il a toujours réussi à passer par-dessus et continuer.

« Une des grandes qualités que j’ai eues, probableme­nt, dans ma vie, c’est qu’il n’y avait rien pour m’arrêter de travailler. Absolument rien. »

Même après ses pires critiques, ajoute-t-il, il ne lui est jamais venu à l’esprit d’abandonner.

Est-il teflon ?

« Non. Je ne suis pas teflon parce que je suis marqué par les choses. Mais je suis capable de me scraper moi-même. Je suis capable de faire mon propre lavage avec ma propre laine d’acier ! Les choses me touchent énormément, mais je suis capable de passer par-dessus pour continuer à travailler. »

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