Le Journal de Quebec - Weekend
VIVRE CONNECTÉ… JUSQU’À 160 ANS
Vivre jusqu’à 160 ans, connecté jusqu’à la moelle et mené à la baguette par des algorithmes, ça vous sourit ? Professeur titulaire à l’Université Laval et spécialiste en gestion de crise, Christophe Roux-Dufort a imaginé dans son nouveau roman, L’algorithme de Rebecca Mandelson, une société où, dans un futur pas si lointain, la vie serait prolongée jusqu’à 160 ans. Une vie longue, heureuse, en santé… mais connectée. Hyper connectée. Et programmée et sérieusement contrôlée par les algorithmes et les data. Une idée qui donne froid dans le dos.
Dans la société décrite par l’auteur, la religion telle qu’on la connaît n’existe plus. Elle a été remplacée par un algorithme qui garantit aux êtres humains l’immortalité, le bonheur et la paix.
Rebecca Mandelson, génie de la bio-informatique et des nanotechnologies, a créé le programme Transparence, un algorithme qui pourrait changer le destin de la planète en éradiquant pour toujours la religion et les guerres. Mais ça ne fait pas l’affaire de tout le monde…
Juste après avoir reçu le prix Nobel de la Paix, en 2040, Rebecca Mandelson est enlevée par un groupe armé qui menace de la tuer si elle n’accepte pas de livrer le code source de l’algorithme que certains cherchent à reproduire ou à détruire.
Pendant sa séquestration, elle fait la connaissance de Jéricho, un homme qui la plongera malgré elle dans des expériences qui bousculeront ses certitudes.
Rebecca Mandelson, tiraillée entre sa loyauté à l’endroit de son associé, Velasco Moras, et ses propres doutes au sujet de ce qu’elle a créé, parviendra à fuir. Elle s’engagera dans une course contre la montre pour interrompre la phase ultime de Transparence.
UNE CRITIQUE SOCIALE
Christophe Roux-Dufort, également auteur du roman Les manuscrits de
la main morte, explique en entrevue téléphonique s’intéresser à tout ce qui concerne la technologie du futur.
« Je voulais faire une critique de toute l’idéologie autour du développement personnel, de la recherche du bonheur, d’une longue vie, etc. Lorsque la cathédrale Notre-Dame à Paris a brûlé, ça m’a créé une sorte d’intuition. Je me suis dit : je vais écrire une histoire dans laquelle la société sera tellement obsédée par sa longue vie, sa santé, son bonheur, qu’elle va chercher à travers ça à éradiquer toutes les religions du monde, à travers, justement, une technologie qui permet ça. » « C’est ça qui m’a mis sur la piste de ce livre, où j’imagine une scientifique qui met au point un algorithme qui garantit une longue vie, heureuse et en paix, en autant qu’on suive les instructions de la machine. »
« JE N’INVENTE RIEN »
Inquiétante, la société du Big Data, de la collecte de données et la perspective de vivre perpétuellement connecté, mesuré, contrôlé ?
« Oui, c’est inquiétant, mais en même temps, c’est la réalité, déjà. C’est un livre dans lequel je n’invente pas. Je n’invente rien. Je ne fais qu’extrapoler un peu les choses qui existent déjà, y compris certaines technologies. » « Ça ne veut pas dire que ça va prendre cette direction, mais le fait qu’aujourd’hui, on se résume, pour l’essentiel – en tout cas pour les grandes compagnies –, à une somme de données, c’est une réalité. Que ces données soient utilisées après pour nous aider à mieux vivre, ou pour nous orienter vers des choses… c’est une autre réalité. »
VIE INTÉRIEURE RICHE
L’issue du livre montre qu’il y a autre chose, ajoute-t-il.
« Bien que nous puissions nous résumer à des données qui peuvent être manipulées, traitées, nous avons également une vie intérieure assez puissante. Et cette vie intérieure assez puissante, c’est ce que j’essaie de faire sentir dans le livre, est sans doute le rempart ultime à cette manipulation, dont nous sommes déjà un peu victimes, d’ailleurs. »
Il explique davantage. « Lorsque vous regardez les réseaux sociaux, c’est pas du tout neutre : les algorithmes des réseaux sociaux alimentent ce que vous regardez par rapport à vos attentes, vos émotions. »
Le livre est, à son avis, une invitation à faire grandir notre vie intérieure, notre coeur, notre âme.
« C’est l’expérience que va faire la conceptrice de cet algorithme durant tout le livre. »
■ Christophe Roux-Dufort est professeur titulaire à l’Université Laval où il enseigne et conduit des recherches sur la gestion des situations de crise.
■ Ses travaux lui ont valu de nombreux prix.
■ Il a publié une trentaine d’articles et de chapitres et huit ouvrages dont Le culte de l’urgence : la société malade du temps et La première paix mondiale : un itinéraire vers la conscience, en plus de collaborer régulièrement avec de nombreux médias dont The Gazette, Le Monde, Libération, etc.
■ Il a aussi publié le roman Les manuscrits de la main morte chez Saint-Jean Éditeur.
■ Il vit à Québec.