Le Journal de Quebec - Weekend

L’HISTOIRE MOUVEMENTÉ­E DE LA RIVIÈRE DU LIÈVRE

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Dernier tome d’une grande fresque historique amorcée en 2004, avec une finale qui boucle la boucle, Wabassee prouve l’immense talent de l’écrivaine Francine Ouellette. Avec un don pour faire revivre les époques révolues, un incroyable souci du détail, une recherche méticuleus­e, elle a créé des personnage­s authentiqu­es et bien vivants. Avec intensité, elle fait revivre une période méconnue de l’histoire de la rivière du Lièvre, une région forestière splendide et quelque peu méconnue dont elle révèle quelques secrets.

L’intrigue de ce sixième et ultime volet se déroule dans un territoire forestier appelé la Wabassee, qui se trouve grosso modo entre Mont-Laurier et Notre-Dame-du-Laus, dans les Laurentide­s.

L’histoire du territoire de la rivière du Lièvre est peu connue.

« L’importance de la Lièvre était cruciale », fait remarquer Francine Ouellette, en entrevue. « C’est incroyable, l’importance qu’avait cette rivière. C’était le chemin qui marche, le chemin que les exploitant­s forestiers utilisaien­t. Ils faisaient le transport, ils exploitaie­nt des barrages, ils faisaient marcher des usines, ils faisaient de l’électricit­é. Ils se sont rempli les poches. C’était le chemin : il n’y en avait pas d’autres. »

« Toute notre histoire a été modelée par les cours d’eau. L’exploratio­n s’est faite par les cours d’eau, l’exploitati­on forestière aussi. Les Français, quand ils sont arrivés, n’ont rien découvert : ils ont juste suivi les Indiens qui leur ont fait découvrir des choses. C’est ça qu’il y a de particulie­r, je trouve, avec notre histoire : l’importance des cours d’eau. »

QUATRE ANS DE RECHERCHE

Francine Ouellette note qu’elle essaie de cerner la réalité historique à travers ses personnes, en explorant des angles différents. Ainsi parle-t-elle des Autochtone­s qui perdent leur espace vital, des Canadiens français qui sont en quête d’un espace vital et des anglophone­s de pouvoir qui sont arrivés à contrôler à la fois les torrents et les hommes.

L’écrivaine a consacré quatre années à la recherche et à l’écriture de Wabassee .Ellea trouvé des photograph­ies d’époque, documents qui sont d’ailleurs reproduits dans le livre.

« Je n’arrête pas d’étudier l’histoire. Ils ont fait des fouilles archéologi­ques dans la région et j’ai suivi les archéologu­es. J’étudie l’histoire, pour pouvoir bien la raconter. Je veux qu’on la vive, qu’on devienne ces personnage­s. »

L’écrivaine rappelle l’importance de la drave dans sa région, une activité qui s’est poursuivie jusqu’en 1994. « J’avais un oncle qui était bûcheron. Je pensais en savoir… mais quand je commençais à flirter avec l’idée d’écrire une saga historique, j’ai rencontré un vieux chef de drave de 90 ans. T’sé, le bonhomme avec les mains larges, costaud. Il avait encore toute sa tête. »

Il lui a parlé de Jos Montferran­d, de la ferme du Wabassee où il avait travaillé.

« L’autre bord, il y avait une Indienne qui faisait des mocassins pour lui quand il était p’tit gars. Elle prenait la mesure de son pied sur une écorce de bouleau, comme Mary va faire avec les enfants de Patrick, dans le roman. »

Il lui a parlé des cageux, ces ouvriers forestiers qui s’occupaient de diriger des radeaux formés de troncs d’arbres.

« Je ne savais même pas que ça existait, des cageux. C’était un bonhomme qui n’était pas instruit, mais il transmetta­it la parole. Il avait connu ça et quand il était petit, son idole, c’était Jos Montferran­d. C’est fascinant. »

C’était assurément une vie difficile. « Les draveurs, c’était des acrobates, sur des billots. J’ai essayé de me tenir debout sur un billot : pas capable ! » dit-elle. « Mon vieux chef de drave me contait que son oncle, qui était draveur, était capable de voyager à sa guise sur un billot. Il fallait qu’il descende le courant. Des fois, il disait : embarque sur le billot, mon p’tit gars, et on va aller chez mononcle untel l’autre bord de la rivière ! »

■ Francine Ouellette a remporté de nombreux prix littéraire­s, dont le prix Ludger-Duvernay pour l’ensemble de son oeuvre.

■ Ses romans Au nom du père et du fils et Le sorcier ont fait l’objet de téléséries qui ont séduit plus de deux millions de téléspecta­teurs.

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