Le Journal de Quebec - Weekend

MAGNIFIQUE HOMMAGE À SA GRAND-MÈRE

- Le Journal de Québec MARIE-FRANCE BORNAIS

En Guadeloupe, quand quelqu’un meurt, on dit « qu’il est monté ofilao ». Cette expression magnifique, énigmatiqu­e, porteuse de sens et teintée de mystère, est aussi le titre du premier roman de Geneviève Rochette, une comédienne, historienn­e et dramaturge qui révèle aussi son talent d’écrivaine. À travers le personnage d’Inès, Geneviève Rochette navigue entre le Québec, la France et la Guadeloupe, à la recherche de souvenirs et de racines, mais aussi dans une quête identitair­e.

L’histoire raconte le voyage d’Inès, fille d’un Guadeloupé­en et d’une Québécoise, qui se rend chez sa grand-mère, Théolia, en Guadeloupe. En 2009, le pays est en crise et Théolia réunit auprès d’elle son fils et sa petite-fille qui ne se sont pas vus depuis des années, l’un vivant à Paris et l’autre, à Montréal. Elle souhaite les réconcilie­r avec leur passé.

Dans l’avion, Inès lit un manuscrit de son père écrivain et redécouvre une partie de sa vie sous un nouvel angle. Explorant les diverses branches de son arbre généalogiq­ue, Inès entame une remontée vers ses origines et cherche à comprendre ce qui l’a construite. Plusieurs poètes viennent nourrir sa réflexion : Aimé Césaire, Alain Grandbois, Gaston Miron.

Geneviève Rochette est très heureuse de la parution de son premier roman. Une autre corde à son arc et un projet artistique qui lui a fait du bien.

« C’est fou, c’est comme une grande liberté ! C’est vraiment un projet que je traîne depuis longtemps et il y a eu plein d’embûches, plein de morts associés à ça. C’est un hommage à ma grand-mère, que j’ai beaucoup aimée », commente-t-elle, en entrevue téléphoniq­ue.

Le projet, d’abord travaillé pour devenir un scénario, s’est métamorpho­sé en roman.

« Il y a quelque chose de très libérateur quand on décide de prendre la plume pour un roman. Beaucoup d’obstacles sautent. J’ai vraiment eu du plaisir à faire ça. »

SA GRAND-MÈRE

Ofilao est-il autobiogra­phique ? « Récemment, une des très grandes amies de ma grand-mère a lu le roman et m’a dit : je l’entendais et je la voyais partout. Mais c’est une fiction. C’est-à-dire que c’est inspiré d’elle, de son accent, ses couleurs, sa chaleur, mais c’est vraiment une histoire inventée. »

« Le personnage d’Inès est issu d’un père guadeloupé­en et d’une mère québécoise. Moi, c’était le contraire : ma mère était guadeloupé­enne et mon père était québécois. Inès a vécu un peu les va-etvient que j’ai vécus : Damencourt, c’était la maison de mes grands-parents. Ma grand-mère venait de Morne-à-l’Eau. »

« Pour que la fiction soit crédible, je suis partie vraiment de mon vécu. Inès a passé des étés complets là-bas, elle y allait à peu près tous les ans. Moi, c’était à peu près la même affaire. J’y allais beaucoup. Je passais des étés complets chez ma grandmère. La maison de Damencourt, c’est la maison où j’ai passé le plus clair de mon temps quand j’étais en Guadeloupe. »

MÉTISSAGE

Geneviève Rochette parle de métissage dans Ofilao .«Dansun microcosme comme la Guadeloupe, ce qui est impression­nant, c’est de voir à quel point le clivage racial existe encore et est encore très, très fort. Quand j’étais jeune, je le percevais de façon un peu floue, un peu ambiguë. Mais c’est pernicieux. »

Elle donne en exemple une anecdote reprise dans le roman, où la grandmère d’Inès, de passage à Montréal, vient la chercher à l’école, et où quelqu’un dit : ta grand-mère est noire !

« Ça, je l’ai vraiment vécu. C’est vraiment la première fois que j’ai pris conscience de la couleur de peau, qu’on se désigne par la couleur de peau des gens. Ça m’avait un peu bouleversé­e. C’est quelque chose qui m’est apparu complèteme­nt absurde et troublant, dans ma vie. »

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