Le Journal de Quebec - Weekend

DAVID GOUDREAULT TRASHICOMI­QUE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Après avoir fait un détour par la poésie et présenté une tournée de spectacles, l’incomparab­le David Goudreault revient à ses anciennes amours – le style romanesque – dans son nouveau livre. Maple, roman policier trashicomi­que, coup-depoing, est à la fois une enquête et un portrait social à l’humour grinçant. David Goudreault fait fi des convenance­s, de la censure et prend toutes les libertés littéraire­s qu’il souhaite à travers un personnage féminin cynique, grande gueule et très coloré qu’on n’oubliera pas de sitôt.

Ce polar « trashicomi­que », comme il l’écrit, est inspiré de l’univers de

La Bête, une série à succès qui s’est vendue à 128 000 exemplaire­s. On y retrouve Maple, personnage phare du troisième tome, à sa sortie de prison. Pour rappel, Maple avait été condamnée après avoir agressé un agent pour permettre à la Bête de fuir, à la fin d’Abattre la bête.

Dans le monde où elle retourne, qui est celui de la toxicomani­e et de la prostituti­on, une série de meurtres se produit. Maple, au risque de bousiller l’enquête complèteme­nt, s’impose aux policiers pour leur prêter main-forte et découvrir qui ose s’en prendre aux plus vulnérable­s de la métropole.

Comme dans la trilogie de La

Bête, David Goudreault, qui a oeuvré pendant 12 ans comme travailleu­r social, explore les méandres des troubles de la santé mentale et les absurdités des parcours sociaux et carcéraux. Il ne ménage rien. Absolument rien.

DE DRÔLES D’ANNÉES…

En entrevue – une des rares qu’il accordera cet automne puisqu’il se retirera ensuite dans ses quartiers pour préparer son nouveau spectacle –, David Goudreault est très clair sur sa démarche artistique grinçante, irrévérenc­ieuse, unique dans le paysage littéraire.

Il trouve qu’on vit de drôles d’années, dans une bien drôle d’époque, et essaie d’en tirer un peu d’inspiratio­n. « S’il y a moyen de préserver un peu de liberté dans ces années de haute censure, je vais faire mon petit bout de chemin. »

Maple est un projet qui germait dès la fin de la dernière trilogie. « Pour moi, c’était clair que j’enterrais La Bête. Je ne voulais pas revenir avec ce personnage ni étirer davantage cette trilogie. Je m’étais lancé un défi plus littéraire avec Ta mort à moi, donc quelque chose de plus acrobatiqu­e au niveau formel. Mais pendant tout ce temps, l’univers de la Bête me manquait.

Il y avait cette folie, cette liberté que je me donnais, que je voulais retrouver. »

Il s’est demandé comment le faire sans tomber dans la recette, sans ressuscite­r un personnage dont il voulait se débarrasse­r, et comment retrouver cette complicité avec ses lecteurs. Ainsi est née l’idée d’écrire un polar.

« Je voulais respecter les codes du polar, mais l’emmener dans mon univers trashicomi­que, et en même temps, avoir un propos sur le monde et sur l’époque, à travers une bonne histoire. Pour moi, le plus important, c’est d’avoir une bonne histoire. »

LE DROIT À LA FICTION

Autre élément qui lui tient à coeur : affirmer le droit à la fiction. « C’est quand même fou, l’époque où on est. On est dans une espèce d’ambiance d’autofictio­n prêchi-prêcha, affectée, qu’on en oublie presque que la fiction existe. À un point tel que je reçois des menaces de débiles qui n’arrivent pas à faire la part des choses. »

« Dernièreme­nt, une personne m’a écrit pour me dire que j’étais une vidange : “Crève, trou-de-cul, tueur d’animaux”. Lui, il a lu La Bête et il a pensé que c’était une biographie. Plutôt qu’être sensible à la tragédie de ce personnage-là, ben, il m’insulte et il me menace. »

Un méchant sauté ? « Un sauté parmi d’autres, parce qu’il y a beaucoup de sautés, même dans le milieu littéraire, qui veulent censurer le plus possible les personnes qui prennent trop de place. De plus en plus, on voit des espèces d’offensives très violentes, cruelles, sournoises, infondées, et tout. Moi, on m’a dit que ce n’est plus possible d’écrire des romans comme La Bête. Alors ma réponse… c’est d’écrire pire! »

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