Le Journal de Quebec - Weekend

« CE FILM EST UN MIRACLE »

- MAXIME DEMERS

En mai dernier, Zahra Amir Ebrahimi est devenue la première femme iranienne à remporter un prix d’interpréta­tion au prestigieu­x Festival de Cannes grâce à sa performanc­e dans le thriller Les nuits de Mashhad. Pourtant, l’actrice de 41 ans n’a jamais reçu de félicitati­ons du gouverneme­nt iranien. Elle a plutôt eu droit à des menaces.

C’est que ce film du réalisateu­r Ali Abbasi (Border), qui relate l’histoire vraie d’un tueur en série qui s’attaquait à des prostituée­s dans la ville sainte de Mashhad au début des années 2000, a été condamné par le gouverneme­nt iranien, qui a accusé l’oeuvre de suivre « le même chemin emprunté par Salman Rushdie dans les Versets sataniques ». Le long métrage a d’ailleurs été tourné en Jordanie pour éviter de se heurter à la censure iranienne.

« Si j’étais née dans n’importe quel autre pays, j’aurais eu droit à des félicitati­ons du gouverneme­nt. Mais le lendemain de la remise du prix à Cannes, le ministre de la Culture de l’Iran a plutôt fait une déclaratio­n publique pour dire que les gens qui ont participé à ce film devaient être punis », relate Zahra Amir Ebrahimi, dans une entrevue accordée par visioconfé­rence le mois dernier.

« Je pense que ç’a beaucoup énervé le gouverneme­nt iranien qu’on ait réussi à faire un film iranien en échappant à sa censure. Ma présence sur scène, à la cérémonie de clôture de Cannes, les a aussi beaucoup dérangés. J’ai reçu par la suite beaucoup de menaces et de commentair­es haineux sur les réseaux sociaux. On finit par s’habituer, mais ça fait toujours mal. »

EXIL FORCÉ

Il faut dire que les relations entre Zahra Amir Ebrahimi et l’Iran sont tendues depuis longtemps. En 2008, l’actrice, alors une star montante du cinéma iranien, a fui son pays natal pour éviter la prison après avoir été victime de la publicatio­n d’une vidéo sexuelle tournée avec son conjoint de l’époque. Elle s’est exilée en France où sa carrière d’actrice a dû repartir à zéro.

Dans Les nuits de Mashhad, Zahra Amir Ebrahimi se glisse dans la peau d’une journalist­e de Téhéran qui se rend à Mashhad pour écrire une série d’articles sur la disparitio­n de plusieurs prostituée­s. En poussant plus loin son enquête, elle tentera elle-même de démasquer le tueur en série responsabl­e de ces meurtres qui s’est donné la mission de « nettoyer » la ville.

AMBIANCE DE PEUR

Zahra Amir Ebrahimi étudiait le théâtre dans une université de Téhéran quand ce tueur en série a semé la terreur dans les rues de Mashhad, en 2000.

« J’en garde un souvenir vraiment fort. Avant cette histoire, il y a eu un autre tueur en série qui tuait des femmes à Téhéran, là où j’habitais. Je me souviens qu’il régnait une ambiance de peur dans la ville. L’histoire du tueur de Mashhad a duré plus longtemps. Ç’a pris un an avant qu’ils l’arrêtent. Au bout d’un moment, on avait même l’impression que quelqu’un de haut placé le soutenait ».

Ironiqueme­nt, Zahra Amir Ebrahimi a d’abord commencé à travailler pour la production des Nuits de Mashhad à titre de directrice de casting. Puis, quand l’actrice qui avait été choisie pour défendre le rôle principal du film s’est désistée à la dernière minute, Zahra Amir Ebrahimi a fait un essai dans la peau du personnage. Le réalisateu­r Ali Abbasi a finalement décidé de lui confier le rôle.

« J’ai trouvé dans le personnage une partie de moi, parce que j’ai des liens très fort avec cette histoire, détaille-t-elle. C’est un miracle qu’on ait réussi à faire ce film malgré toutes les embûches qu’on a eues. Ce film est un miracle. »

Les nuits de Mashhad a pris l’affiche hier.

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Zahra Amir Ebrahimi dans une scène du thriller Les nuits de Mashhad.

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