Le Journal de Quebec - Weekend

UNE FAMILLE COMME LA NÔTRE

Cinq questions à Marc Robitaille, auteur des Moments parfaits

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Marc Robitaille a toujours navigué entre le cinéma, la littératur­e et la télévision. Au grand écran, on lui doit les scénarios d’Histoires d’hiver, d’Un été sans point ni coup sûr ,du Club Vinland et de Félix et le trésor de Morgäa, un film d’animation dont il prépare la suite, qui a été vu dans 175 territoire­s à travers le monde. À la télé, il a écrit plusieurs sketches pour Un gars, une fille. Il a créé Les moments parfaits dont il est l’auteur principal. On y suit les Thomas, une famille comme la nôtre, qui partage des enjeux semblables aux nôtres. Il était facile de s’y attacher. Une série douce et bienveilla­nte, qui tranche avec le rythme haletant de la plupart des séries.

On a parlé des Moments parfaits comme d’une série feel good. En quoi s’est-elle inscrite dans cette tendance ?

L’idée de départ était d’en faire un film choral dans lequel on parlerait d’une famille, du tourbillon des gens qui essayent de jongler avec trop de balles. On était en 2005. Le personnage de Georges qui a une femme plus jeune était déjà là. Comme sa femme est en tournée, c’est la famille qui s’occupe de leur petite fille. Puis, on a eu l’opportunit­é de déployer l’histoire en série. Le timing était bon. This Is Us connaissai­t du succès. Le feel good s’opposait aux séries « stéroïdes ». On est dans les petits mouvements intérieurs. Il n’y a pas de fusil dans mes affaires. J’aimerais que notre série fasse des petits.

As-tu dû demander conseil à des gens de ton entourage pour bien saisir certains enjeux ?

Je te dirais qu’il faut être plus qu’un observateu­r du quotidien, il faut s’abreuver des autres. Faut prendre des notes. Hitchcock a dit que la réalité est plate, qu’il faut traquer les petits moments où il y a un enjeu, un désaccord, une trahison, un désespoir. Nous sommes une équipe d’auteurs. Chacun a ses expérience­s. On s’est rendu compte que tout le monde avait eu sa « Nadia » (personnage qui a brisé le coeur de Philippe). Aimer sans avoir d’amour en retour, mélanger l’amour de ta vie et l’amour de tes rêves. Mais on connaissai­t bien notre sujet : la famille. Pas besoin de s’infiltrer dans le monde des avocats, des policiers ou de la mafia.

Pourquoi était-ce important que trois génération­s soient bien présentes dans la série ?

Dans ma tête, j’ai encore 40 ans. Catherine, Philippe et Louis ont tous les trois un peu de moi. Catherine est dans le doute, Philippe dans la candeur, Louis dans l’inquiétude. J’ai l’âge de Georges. J’ai moi-même des enfants. Je pense que la période jeune adulte est la plus tough de toute la vie. Tu ne sais pas quel métier tu veux faire, où tu vas vivre, avec qui… C’est une génération à la fois touchante et brillante. Et ouverte aux autres génération­s. On vit à une époque fascinante beaucoup moins cloisonnée.

On dit que les gens ordinaires n’ont pas d’histoire. Comment as-tu réussi à prouver le contraire ?

Nos personnage­s se font de la peine, mais ils s’aiment. Je suis plus dans un idéalisme. Contrairem­ent à Succession ou Avant le crash, où les personnage­s se font toujours les coups. On va à contre-courant. On est dans la vie qu’on connaît, mais sans les « bouts plates ». La plupart des séries présentent des antihéros. Même Batman est rendu dark.

Catherine est une fille ordinaire, mais c’est une héroïne. Annie est une héroïne. Ce sont des personnage­s admirables, même dans leurs failles. D’ailleurs, il y a beaucoup de blessures d’orgueil dans cette famille-là.

La série prendra fin dans quelques semaines. As-tu eu l’occasion d’écrire la fin que tu souhaitais ?

C’est certain qu’on avait des idées pour continuer une ou deux saisons de plus. Il y a des trames qu’on voulait ouvrir. Heureuseme­nt, on a eu l’occasion de la terminer de la manière la plus élégante possible pour tout le monde. Le défi, c’est que le public voit qu’on avait l’intention de finir de cette façon. Il y a des trucs qui vont se dénouer jusqu’à la fin et je peux dire que beaucoup d’entre eux vont finalement tomber sur leur X. C’était le leitmotiv de la série, trouver son X. Le dernier épisode sera très touchant. Il y aura des choses que le public souhaite, mais pas de la manière dont il pense que ça va arriver.

■ Les moments parfaits

■ Mercredi 20 h à TVA

Sophie Desmarais a toujours eu une affection particuliè­re pour les rôles qui nécessiten­t un important travail de recherche et de préparatio­n. Avec le film Les jours heureux, qui marque ses retrouvail­les avec la réalisatri­ce Chloé Robichaud, l’actrice de 37 ans a été bien servie.

Sophie Desmarais a en effet passé deux ans à se préparer pour son interpréta­tion d’Emma, le personnage central des Jours heureux, une jeune cheffe d’orchestre en pleine ascension qui entretient une relation toxique avec son père et agent (campé par Sylvain Marcel).

Pendant cette période, l’actrice a pu bénéficier des conseils précieux du maestro Yannick Nézet-Séguin – qui a participé au projet à titre de conseiller artistique et de consultant musical –, mais aussi de certains de ses collaborat­eurs, dont les chefs Nicolas Ellis et Kensho Watanabe. Ces derniers lui ont notamment appris la technique et les gestuelles d’un chef d’orchestre.

« Des rôles comme ça, on n’en voit pas passer souvent dans une vie, sauf si tu t’appelles Cate Blanchett ! » lance Sophie Desmarais en entrevue au Journal.

« Au Québec, c’est rare d’avoir la chance d’effectuer un travail de préparatio­n en amont comme ça pour un rôle. La préparatio­n a été vraiment cruciale, stressante et galvanisan­te en même temps. Ce n’était pas simple de me projeter dans ce personnage en sachant en plus que c’est un réel orchestre [Orchestre Métropolit­ain] qui joue dans le film. »

« Pour pouvoir avoir l’air crédible en dirigeant la musique devant ces musiciens-là, il fallait vraiment que je travaille d’une façon exceptionn­elle pour arriver à me faire confiance pour surmonter le syndrome de l’imposteur. »

Sachant très bien que tous ses gestes seront scrutés à la loupe par les musiciens et autres experts de la musique classique, Sophie Desmarais dit être devenue « obsédée par la justesse de ce personnage ».

« Techniquem­ent, je devais faire les bonnes choses. Il y a 25 minutes de direction d’orchestre dans le film alors, techniquem­ent, je devais faire les bonnes choses. Je voulais rendre hommage à cette profession-là en la dépeignant avec beaucoup de lumière. »

RETROUVAIL­LES

Les jours heureux a aussi permis à Sophie Desmarais de renouer avec la réalisatri­ce Chloé Robichaud, qui l’avait dirigée une dizaine d’années plus tôt dans son premier long métrage, Sarah préfère la course. En entrevue, la cinéaste souligne qu’elle avait déjà en tête ces retrouvail­les avec Sophie Desmarais quand elle a commencé à écrire le scénario du film.

« Je voulais retravaill­er avec elle, indique Chloé Robichaud. Je savais que j’avais besoin d’une actrice comme elle qui n’a pas besoin de mots pour s’exprimer. Sophie, tu as juste à mettre une caméra sur elle pour voir des émotions apparaître à l’écran. C’était nécessaire pour ce rôle parce qu’une cheffe, sur un podium, elle a juste sa gestuelle et son regard pour parler. Je savais aussi que Sophie avait en elle le niveau d’engagement et la passion nécessaire­s pour le rôle. »

Chloé Robichaud avoue qu’elle ne connaissai­t pas grand-chose à l’univers de la musique classique avant de se lancer dans l’écriture des Jours heureux. C’est en voyant un jour une cheffe d’orchestre sur scène devant ses musiciens que l’idée d’un film lui est venue en tête.

« C’est une image qui me plaisait, indique la cinéaste de 35 ans. J’aime mettre en scène dans mes films des femmes dans des positions où on est peut-être moins habitués de les voir. C’était le cas dans Sarah préfère la course mais aussi dans Pays ,qui traitait des femmes qui se lancent en politique. »

Puis, en plongeant dans l’écriture des Jours heureux, Chloé Robichaud dit être « tombée en amour avec l’univers de la musique classique » en découvrant un milieu beaucoup plus moderne qu’elle le pensait.

« Avec des gens comme Yannick [Nézet-Séguin], il y a vraiment quelque chose qui se démocratis­e. J’avais envie de montrer un côté plus contempora­in de cet univers-là », souligne la cinéaste, qui a elle aussi effectué un énorme travail de préparatio­n pour s’assurer de reproduire ce milieu de la façon la plus crédible possible.

Chloé Robichaud ne s’en cache pas : le personnage principal de son film est en quelque sorte son alter ego. Même s’il s’agit d’une fiction, elle dit avoir nourri le personnage d’Emma avec ses préoccupat­ions personnell­es, comme le rapport au profession­nel et la place des femmes dans son milieu.

« On dit souvent qu’un réalisateu­r, c’est comme un chef d’orchestre, illustre-t-elle. C’était donc assez facile pour moi de me projeter dans le métier de cheffe. Et ça me permettait de parler de mon propre rapport à la création à travers ce personnage-là. »

Les jours heureux sera présenté en grande première montréalai­se le 16 octobre à la Place des Arts et prendra l’affiche partout au Québec le 20 octobre.

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RÉALISÉ PAR CHLOÉ ROBICHAUD
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