Le Journal de Quebec - Weekend
UNE GROSSE PRÉPARATION DE MÈRE EN FILLE
D’abord assistante-scripte sur
Une autre histoire, puis scripte sur 5e rang pendant 2 ans, Rose Carpentier-Wheeler travaille actuellement sur Sorcières. Elle parle de son métier avec passion et la même précision qu’il requiert. Chaque scène est décortiquée de façon chirurgicale pour faciliter le travail de chacun.
Quelles sont les principales fonctions d’une scripte ?
Être scripte, c’est travailler main dans la main avec le réalisateur. Il y a une grosse préparation où on doit dépouiller le scénario et en faire le minutage. Je lis tous les personnages et je joue les didascalies. Je donne des heures et des dates aux scènes. Ça permet aux éclairagistes de savoir où est rendu le soleil, aux accessoiristes de mettre la bonne heure sur l’horloge. Dans Sorcières, l’action se déroule à Montréal et à Sainte-Piété qui se trouve à environ 2 heures. Un personnage ne peut donc pas arriver là en une demi-heure. Quand on tourne, on est généralement à une troisième version de texte. En tournage, tout est minuté. On tourne dans le désordre donc il faut veiller à la continuité. J’envoie
un rapport chaque soir au montage avec une description de tous les plans, toutes les scènes, les moments que le réalisateur a préférés, le début d’une scène sur une prise et sa suite sur une autre. S’il y a eu des changements aux textes, je l’écris. J’identifie aussi la claquette de chaque scène. C’est la référence autant pour le son que pour la caméra. Je prends des photos de tout pour voir les valeurs de plans, l’axe du regard du comédien. Ça devient une seconde nature pour pouvoir répondre à toutes les questions.
Quelle est la particularité de Sorcières ?
Il y a beaucoup de flash-back. La chronologie doit être claire. Chaque personnage a son histoire dans la grande histoire. On doit sentir dans le jeu des soeurs ce qu’elles savent ou non selon la diffusion de la scène.
Quelles sont les scènes qui représentent les plus grands défis ?
Toutes les scènes de repas demandent d’être particulièrement alerte, parce que tout le monde mange. Il faut savoir ce que chacun mange ou fait comme action par rapport au dialogue. Dans quelle main un tel tient sa fourchette ? S’est-il resservi, quand ? A-t-il bu ? Quel était le niveau de son verre ? Sur Sorcières, les scènes dans la commune demandent aussi beaucoup d’attention parce qu’il y a beaucoup de personnages et beaucoup d’émotion.
Chez Elizabeth Tremblay, on est scripte de mère en fille, sa maman ayant travaillé aux côtés notamment de Denys Arcand. Rapidement, elle s’est démarquée auprès de productions américaines. Elle a tourné plusieurs fois avec Johnny Depp et John Malkovich. L’année dernière, elle a travaillé sur le film Beau a peur avec Joaquin Phoenix, et a passé plusieurs mois en Europe pour la série Franklin avec Michael Douglas. La grève des scénaristes lui a permis de renouer avec les plateaux de télé québécois avec bonheur. Actuellement à Québec pour la seconde saison d’À propos d’Antoine, elle a pris le relais de la saison 2 d’Une affaire criminelle.
Quel est le principal défi d’Une affaire criminelle ?
Assurément les flashback. Il y en a beaucoup. Quand un comédien vient te voir, tu dois avoir l’heure juste. Au moment de sa scène, est-ce qu’on pense qu’elle a tué son père ou pas ? Dans un who done what, chaque détail est important. Il faut veiller à la cohérence. L’acteur doit être dans la bonne émotion. La chronologie d’Alice était assez complexe.
Quelles sont les principales différences entre les plateaux québécois et américains ?
Je dirais que les plateaux américains sont plus rigides. Par exemple, les acteurs n’ont pas le droit de changer un seul mot du scénario sans passer par le show runner. Chez nous, si un acteur se sent plus à l’aise de dire un mot plutôt qu’un autre, je l’indique simplement dans mes notes pour le monteur. Sur les productions américaines, on tourne quatre à six pages par jour. Ici, on est souvent à 12 pages. Donc ça double le travail. La vibe n’est pas la même non plus. J’ai travaillé avec Pascal L’Heureux et je travaille avec Claude Desrosiers. Tous deux sont super cool et il y a quelque chose de très collaboratif.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être une bonne scripte ?
Être attentionné, minutieux et diplomate. Tu dois savoir à qui parler et quand. C’est important de s’assurer de l’harmonie avec tous les départements parce qu’on joue tous dans la même équipe.