Le Journal de Quebec - Weekend

FORGÉE PAR SES LECTURES DE JEUNESSE

Magalie Lépine-Blondeau est une grande lectrice. Pendant qu’on peut la voir tomber follement amoureuse d’un homme dans le film Simple comme Sylvain, elle fait le tour des livres qui l’ont transporté­e.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Dernièreme­nt, quel roman avez-vous tout simplement adoré ?

Je suis présenteme­nt en train de lire Le pays des autres de Leïla Slimani, qui a gagné le Goncourt en 2016 pour Chanson douce. Ça se passe au Maroc, à Meknès, et j’aime beaucoup. C’est très bien écrit. Ces temps-ci, j’ai surtout envie de suivre des personnage­s féminins et des plumes féminines.

Avant ça, lesquels ont été pour vous d’immenses coups de coeur ?

■ J’ai lu ça il y a quelques années, mais ça m’a marquée : La physique des catastroph­es de Marisha Pessl. J’ai toujours apprécié les thrillers et les polars, mais je me sens parfois un peu coupable d’en lire parce que c’est un pur divertisse­ment. Là, on a une espèce de suspense littéraire. Les personnage­s sont très lettrés, et c’est une lecture qui a de la substance. Elle m’a même ensuite amenée à lire autre chose, car de nombreux auteurs y sont cités.

■ Je suis une fan finie de Dany Laferrière et je voudrais que tout le monde le lise ! Je mettrais toute son oeuvre dans les lectures que j’ai vraiment aimées. Sa langue est travaillée, mais tellement accessible. Pour celles et ceux qui ne l’ont jamais lu, je leur propose de commencer avec L’odeur du café. Je conseille ce livre-là parce qu’il traite de son enfance en Haïti et qu’il est empreint de tendresse. On entend beaucoup parler des problèmes de ce pays et là, on nous le dépeint autrement, avec toute la douceur de ses habitants.

■ Pour finir, j’ajoute une autrice québécoise avec Et arrivées au bout nous prendrons racine. C’est de Kristina Gauthier-Landry. J’ai toujours aimé la poésie et adulte, je l’ai un peu délaissée. J’ai lu ça pendant la pandémie et les images sont vraiment très belles. Pour les gens qui sont moins initiés à la poésie, c’est une bonne introducti­on.

Du côté des histoires d’amour, vous avez quelques bons romans en tête ?

Je pense plutôt à des essais sur l’amour parce que je trouve que dans la littératur­e, le sujet a beaucoup été couvert par les hommes, avec leur vision masculine de ce qu’est l’amour. J’ai eu envie de déconstrui­re ce à quoi j’ai été biberonnée, envie de trouver mon chemin à moi. Réinventer l’amour de Mona Chollet est un incontourn­able, et j’inviterais d’ailleurs tous les hommes à lire ça. Découvert sur le tard, il y a aussi À propos d’amour de Bell Hooks. Pour Simple comme Sylvain, on cherchait une voix féminine qui aurait réfléchi et discouru sur l’amour. L’Afro-Américaine Bell Hooks n’est pas tout à fait philosophe, mais sa parole est réfléchie et ça a été une lecture très importante pour moi dans les dernières années. Pour elle, aimer est un verbe actif, pas quelque chose qu’on subit.

Est-ce qu’il y a un livre qui a beaucoup apporté à votre vie ?

L’une de mes lectures maîtresses a été Le livre de l’intranquil­lité, le recueil posthume de Fernando Pessoa. Quand j’étais plus jeune, j’avais des lectures plus existentia­listes et je suis contente d’avoir lu ça à ce moment-là, car aujourd’hui, je ne pense pas que je pourrais m’attaquer à une brique comme ça. C’est une lecture très austère, mais qui a été très importante pour moi. J’aime beaucoup les recueils. Écrire la vie d’Annie Ernaux rassemble un peu ses oeuvres importante­s. Ça a été un choc quand j’ai rencontré son écriture, sa parole de femme, les sujets qu’elle aborde. On est les héritières de ces femmes qui ont pavé la voie avant nous. Et cette lecture a aussi été très importante pour moi.

Vous jouez aussi beaucoup au théâtre. Quelle pièce appréciez-vous particuliè­rement ?

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Ça a été mon film préféré quand j’étais jeune. Elle me faisait rêver, cette langue si belle. Et puis cet homme un peu en dehors du monde, un grand guerrier avec un coeur si tendre bloqué par son physique… C’est un marginal, un personnage qui m’attendrit énormément et plus jeune, je rêvais un jour de jouer Cyrano de Bergerac. Je n’ai pas pu faire Cyrano, mais j’ai joué dans Cyrano. Ce sont d’ailleurs les seules répliques que je connais encore par coeur !

Quel livre pensez-vous avoir mis le plus de temps à terminer ?

En avril dernier, j’ai commencé Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli. C’est une lecture passionnan­te et ce n’est pas par ennui que j’ai mis autant de temps à le lire. Mais le début est dur à suivre. Je lisais dix pages et j’étais interrompu­e, je perdais le fil, je revenais en arrière... Il y a aussi qu’on n’est pas très attaché aux personnage­s et que la suite de l’histoire, on la connaît et elle est scandaleus­e. Finalement, j’ai mis quatre mois avant de le terminer !

Qu’aimeriez-vous absolument lire d’ici la fin de l’année ?

J’ai sur ma table de chevet Delphine Seyrig : en constructi­ons de Jean-Marc Lalanne, un livre que j’ai acheté à Paris au printemps dernier. Delphine Seyrig était une actrice et réalisatri­ce française, qui a aussi été une comédienne de théâtre majeure. Elle a dit des paroles très choquantes pour son temps, mais rafraîchis­santes aujourd’hui ! C’est donc ce que je vais lire prochainem­ent.

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