Le Journal de Quebec - Weekend

LA SOIF D’AUTHENTICI­TÉ D’ELI ROSE

- BRUNO LAPOINTE Le Journal de Montréal bruno.lapointe @quebecorme­dia.com

Pour plusieurs, remporter le Félix de la découverte de l’année représente un tremplin formidable, capable de souffler une carrière vers de nouveaux horizons. Mais pour Eli Rose, la réception de cette statuette en 2020 a plutôt été accompagné­e d’un sentiment « doux-amer », la pandémie freinant chacun de ses élans. « Ça a été difficile », atteste la chanteuse.

« Un trophée comme celui-là, ça peut vraiment mousser une carrière, attirer l’attention et ouvrir des portes. Mais les portes étaient toutes déjà fermées en raison de la pandémie, alors ça n’a pas eu l’effet escompté », poursuit la chanteuse.

Mais Eli Rose s’est posée. Le temps a fait son oeuvre. Et un changement majeur est venu transforme­r son quotidien : la naissance de son fils, Ariel, à l’été 2021. Puis tout a été différent.

« Je sais à quel point c’est cliché, mais c’est vrai : mon fils est la plus belle chose qui m’est arrivée. Je suis beaucoup moins nerveuse, j’ai gagné en maturité et en confiance. Et ça change totalement ma manière d’aborder la musique », confie-t-elle. Ah oui ? « J’ai arrêté de vouloir avoir un #1 à tout prix. J’écris, je fais de la musique parce que j’ai besoin de m’exprimer, de faire sortir des choses et de raconter des histoires. Mais le reste, je le prends beaucoup moins au sérieux. Je veux simplement être moi, être bien », explique Eli Rose.

POP ET RAP

Et c’est ce qu’elle montre avec Hypersensi­ble, un second opus sur le marché depuis hier. Ses rythmes pop accrocheur­s se frottent encore une fois à l’univers du rap à travers différente­s collaborat­ions (Koriass et Imposs, pour ne nommer que ceux-ci), mais il sonne différent, dévoilant une facette plus intime d’Eli Rose. Au fil des 14 pièces, elle se détache graduellem­ent du personnage qu’elle avait créé pour la sortie de son album éponyme, en 2019. Car Éli Rose sentait à l’époque la nécessité de créer une coupure entre la femme qu’elle a longtemps été au sein du duo Eli et Papillon et celle qu’elle est lorsqu’elle vole de ses propres ailes. Résultat : une présence et une identité plus assumées et sincères.

« J’ai eu besoin de me créer un personnage et il m’a vraiment aidée à faire la transition entre ces deux étapes de ma carrière. Mais aujourd’hui, je n’ai plus envie d’essayer d’être quelqu’un d’autre. J’ai 36 ans, je veux être authentiqu­e. », explique-t-elle.

« JE SUIS TROP BIEN ICI »

Ça, les fans seront à même de le constater l’an prochain ; Eli Rose prendra la route à compter de février pour présenter l’univers musical d’Hypersensi­ble dans différente­s villes de la province. Elle a également l’intention de glisser au programme des spectacles des pièces tirées de son premier album.

« J’ai travaillé tellement fort sur mon premier album ; il n’est pas parfait, mais je l’aime et je l’assume complèteme­nt. Je pense qu’il mérite aussi de vivre en show », avance-t-elle.

Quant à ses ambitions d’aller séduire le public français, elles ont été mises au rancart. Une première tournée promotionn­elle dans l’Hexagone organisée après la sortie de son premier album lui a fait réaliser qu’elle préfère caresser des rêves beaucoup plus « réalistes »… du moins pour le moment.

« Je me suis rendu compte que ce n’était pas nécessaire­ment ce que je voulais. Je ne dirais pas non à aller faire des spectacles là-bas de temps en temps.

Mais j’ai l’impression que pour réellement percer en

France, il faut s’y installer pendant quelques mois et ça, je n’en ai pas envie. Je suis trop bien ici, chez moi, au Québec », explique Eli Rose.

L’album Hypersensi­ble est sur le marché dès maintenant.

C’est autour de jasettes, de synthétise­urs, de pédales d’effets et d’une volonté d’exploratio­n, que le duo Demain Déluge, constitué de Benoit Pinette (Tire le coyote) et Marc-André Landry, est né. Ce cheminemen­t plein de liberté mène au premier album instrument­al Nos terrains vagues.

« On s’entend qu’en tournée, il y a plus d’heures de camion que de spectacles ! », lance Benoit Pinette, 42 ans, en riant. Avec Marc-André Landry, le bassiste de Tire le coyote, les discussion­s de route sont devenues de belles occasions de créer.

« On est deux mélomanes aguerris. On s’est rendu compte qu’on avait le goût d’explorer d’un point de vue sonore. On s’envoyait des pistes, on traînait du matériel en tournée… Un jour, je me suis tourné vers Marc-André : “Heille, on fait un disque.” C’est devenu un défi », explique Benoit Pinette en racontant la genèse de cet album instrument­al et ambiant.

Pour ce fameux défi, les musiciens n’ont joué d’aucun de leurs instrument­s habituels sur les neuf pièces vaporeuses et mystérieus­es. Nos terrains vagues, lieu d’expériment­ations, porte bien son nom.

« Tout a été fait à partir de synthétise­urs, de logiciels et d’une dizaine de pédales d’effets. L’idée était que tout est possible. Il y a eu beaucoup d’essaiserre­urs, de superposit­ions de couches sonores. On a tout de même essayé de garder ça minimalist­e. On a été dans des zones étonnantes. »

Exactement le but de Demain Déluge, selon Marc-André Landry :

« Ce duo existe pour se surprendre », explique le musicien.

COMPLÉMENT­AIRES

Au fil de la discussion, les musiciens complètent souvent leurs phrases. Il faut dire qu’en plus du projet Tire le coyote et Demain Déluge, les artistes ont travaillé ensemble sur de la musique pour des documentai­res et des exposition­s.

« C’est rare qu’on ne soit pas d’accord sur la musique, confie Marc-André Landry. On a une énergie qui se complète bien. Je suis du genre à passer deux jours sur une pièce, à changer une note de temps en temps. Benoit est plus rapide dans la prise de décision que moi. »

Alors qu’aucun spectacle n’est prévu pour Demain Déluge, les gars sont très terre-à-terre face à Nos terrains vagues .«Onlefait pour nous. On ne s’attend pas à ce que ça devienne l’album de l’année que tout le monde va écouter », admet Benoit Pinette en riant.

« Ce qui est prévu, c’est d’en faire un autre, ajoute Marc-André Landry. On a bien aimé ça. On apprécie aussi beaucoup la musique à l’image, ça nous allume tous les deux. »

Qui sait, Demain Déluge deviendra peut-être même une carte de visite. « Depuis la sortie des extraits, on a déjà eu des offres », raconte Benoit Pinette.

Nos terrains vagues est maintenant disponible.

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