Le Journal de Quebec - Weekend
L’Halloween au Québec racontée par les archives
Au début du régime colonial, les premiers Français importent l’observation de la Toussaint, célébrée le 1er novembre. Cette fête catholique, qui représente l’occasion de commémorer les morts et les saints inconnus, fut très probablement inspirée des premières traditions païennes voulant que cette période de l’année soit celle où la division entre le monde des vivants et celui des morts est la plus étroite.
Aujourd’hui, la Toussaint s’éclipse de la culture québécoise. Il n’en demeure pas moins que l’Halloween au Québec a une histoire plus ancienne qu’on ne le croit !
ORIGINES ÉCOSSAISES
L’Halloween apparaît pour la première fois à l’imprimé au Québec à la fin du 18e siècle. Cette fête est toutefois associée aux Écossais, faisant presque office de fête patriotique (la vraie fête nationale écossaise, la St Andrews, est célébrée le 30 novembre).
Au 19e siècle, les mentions de l’Halloween dans les périodiques francophones se réfèrent surtout à la fête annuelle organisée par la Caledonian Society de Montréal, fondée en 1856 et « fréquentée par l’élite de la société écossaise ».
Qui observe l’Halloween et comment on la célèbre varie entre milieux ruraux et urbains, entre publics francophones ou anglophones et selon la géographie. Il faut se rappeler que près d’un million de Canadiens français du Québec émigrent vers les États-Unis en quête d’emplois entre 1840 et 1930.
Cette nouvelle proximité avec les Américains encourage des emprunts culturels et l’Halloween ne fait pas exception. Les Canadiens français émigrés y trouvent un penchant festif, alors que la Toussaint est plus solennelle. En 1922, les Chevaliers de Colomb à Old Orchard organisent « un joyeux parti de Halloween » qui attire environ une centaine de personnes.
Au Québec, toutefois, l’Halloween peine à surmonter la méfiance d’une élite plus conservatrice. Le directeur de L’Action catholique écrit ces lignes en 1924 : « On s’est distrait de l’au delà [sic] en se plongeant dans les plaisirs, dans les affaires, en en faisant l’unique but de sa vie. On a été jusqu’à se prêter avec une complaisance à ces ridicules coutumes de l’Halloween qui tendent à substituer sournoisement aux salutaires pensées de la Toussaint et du jour des Morts, les macabres facéties des sorcières, des chats noirs, des hiboux et des loup-garous [sic]. »
MAUVAIS TOURS ET ESPRITS…
L’Halloween est également l’occasion de jouer de mauvais tours. En 1891, par exemple, le vol d’enseignes soulève la grogne des citoyens de Waterloo, en Estrie. Au fil des années, on rapporte de nombreux autres « tours » : vols de barrières de clôture, réverbères éteints et, en 1885, des « voitures, charrues et des herses sur le toit des granges ». Les mauvais tours, les batailles et les scandales sont si communs à l’Halloween au tournant du 19e siècle qu’on y voit même parfois l’obligation de mentionner les soirées tranquilles ! C’est le cas en 1903 à Arthabaskaville où on y publie que « La Halloween s’est passée bien tranquillement ».
Déjà en 1891, on annonce à Montréal la vente de pommes et de noix « en quantité pour Halloween ». Vers 1926, on lance sur disque pour gramophone la double gigue Halloween d’Adélard et Mézillia Lebrun (consultable sur BAnQ Numérique). Les premières publicités de vente de costumes d’Halloween apparaissent au milieu des années 1950. En Beauce, les publicités de friandises d’Halloween n’apparaissent qu’à partir des années 1960.
La fête est vue comme l’occasion de consulter l’au-delà pour percer les mystères de l’avenir de sa vie amoureuse. En 1896, Le Courrier de Saint-Jean décrit les jeux divinatoires pratiqués par les jeunes filles, qui, « assis[es] autour du foyer », consultent « les oracles […] pour savoir si elles trouveront un mari dans les douze prochains mois ». En 1902, Le Sorelois explique entre autres que « [si] vous mordez une pomme à minuit, devant une glace, l’image de votre fiancé vous apparaît tout aussitôt derrière votre épaule. » Quant à la tradition du porte-à-porte en quête d’une « contribution d’Halloween », elle est certainement plus ancienne que sa première mention publiée en français à Montréal en 1902.