Le Journal de Quebec - Weekend

« Ça arrive à un bon moment dans ma vie » – Kanen

La chanteuse innue Kanen a souvent tendance à remettre son style musical en question, mais les deux Félix qu’elle vient de remporter à l’ADISQ lui confirment qu’elle est sur la bonne voie.

- ALEXANDRE CAPUTO

« J’ai tout appris par moi-même, je ressentais donc beaucoup d’incertitud­e à savoir si je devais suivre mon instinct ou bien si je devais me conformer aux codes et aux tendances », soutient Kanen, qui a quitté le dernier Gala de l’ADISQ avec les statuettes de Révélation et d’Artiste autochtone de l’année.

« Ça me confirme que mon gut feeling était bon et ça arrive à un bon moment dans ma vie », se réjouit-elle, au lendemain de sa récolte à la Place des Arts de Montréal.

À LA MODE DES INNUS

Originaire de Uashat Mak Mani-utenam, communauté innue située près de Sept-Îles sur la Côte-Nord, Kanen a grandi dans un amour de la musique qui était loin d’être teinté par la soif de succès.

« Peu importe dans quelle maison tu allais, tout le monde jouait de la guitare et chantait, se souvient-elle. C’était toujours dans un esprit de partage, de plaisir et de rassemblem­ent », explique celle qui a assisté à ses premiers spectacles lors du Festival Innu Nikamu de Mani-utenam, alors qu’elle était gamine.

C’est cet amour viscéral pour la musique et la création qui a poussé la chanteuse à suivre son instinct, comme l’ont fait Florent Vollant et le groupe Maten avant elle.

Kanen n’était d’ailleurs pas la seule porte-couleurs de la Nation innue à prendre place dans la Salle Wilfrid-Laurier, dimanche dernier. En fait, à l’exception du chanteur atikamekw Pako, tous les artistes autochtone­s en lice étaient des produits du Nitassinan – nom du territoire ancestral des Innus, qui s’étend de la Côte-Nord au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

« Je trouvais ça très émouvant ; on vient presque tous de la même communauté et on a grandi avec les mêmes inspiratio­ns, mentionne-t-elle. On se soutient beaucoup dans nos carrières respective­s et on se trouve chanceux de pouvoir faire ce qu’on fait, dans notre langue en plus », ajoute celle qui allie l’innu-aimun au français et à l’anglais dans ses créations.

VALIDÉE PAR SES IDOLES

Kanen a présenté, à quelques mois d’intervalle, en 2023, son premier album solo intitulé Mitshuap, ainsi que la version Deluxe de celui-ci. Pour ce faire, elle s’est entourée de Louis-Jean Cormier et de Safia Nolin ; deux artistes qui lui ont ouvert les yeux sur la musique québécoise alors qu’elle était adolescent­e.

« C’est encore tout nouveau pour moi de collaborer avec des noms comme ceuxci, laisse humblement tomber la chanteuse. J’en suis très reconnaiss­ante et je me considère privilégié­e, ils m’encouragen­t à rester curieuse dans mon processus. »

Dire que Daniel Boucher est un électron libre coule de source. L’artiste de 52 ans évite volontaire­ment les sentiers battus en lançant À grands coups de tounes vol.2, un album éclaté qui sera offert exclusivem­ent sur sa toute nouvelle plateforme numérique.

« Tu ne le sors pas si tu ne penses pas que c’est ton meilleur album », lance en riant l’auteur-compositeu­r-interprète.

« On le dit souvent, c’est un peu cliché, mais j’en suis vraiment fier. Comme À grands coups de tounes vol.1, c’est un album de chansons qui n’ont pas nécessaire­ment de fil conducteur dans la thématique. Mais c’est un tout cohérent musicaleme­nt. C’est le deuxième album que je fais avec Jean-Sébastien Chouinard et notre complicité a explosé. On est des gros tripeux de guitares et on a pas mal les mêmes références musicales, explique le fan des Beatles. J’ai trouvé mon frère de studio. »

EN PLEINE LIBERTÉ

Le temps qui passe, loin de tarir la passion pour la musique du chanteur de La Désise ,la nourrit plutôt.

« C’est un métier où tu peux te raffiner avec le temps. Par exemple, les sportifs profession­nels… À un moment donné, le corps ne suit plus. La musique, elle, se nourrit de toutes les expérience­s de vie. »

« Chaque fois que tu réussis à défaire un noeud dans ton existence, t’as une couche de conscience supplément­aire qui s’installe sur toi, ajoute-t-il. Une couche d’apaisement, si tu veux. Quand tu prends ta guitare le lendemain, ça paraît. »

Aujourd’hui, Daniel Boucher accepte davantage ses élans créatifs.

« Comme les mélodies sucrées à la Beatles : évidentes, faciles à chanter, qui restent dans l’oreille. Quand je suis arrivé dans ce milieu, à la fin des années 1980, on avait tendance à vouloir résister aux refrains glorieux. J’assume de plus en plus les idées qui passent. Maintenant, j’aime laisser couler les tounes, comme une rivière qui descend à travers les roches. »

À grands coups de tounes vol.2 laisse couler de grandes crues entre l’ouverture très décalée Dames Jean – « à la limite un peu malsaine » –, la mise en musique du poème Cantouque sans recours de Gérald Godin, l’indépendan­tisme sur Huit millions, un petit air de Gaspésie – où l’artiste vit aujourd’hui –sur En roulant vers Percé et Je peleurerai, qui affirme que l’artiste voit toujours la langue française comme un grand terrain de jeu.

SA PROPRE PLATEFORME NUMÉRIQUE

À l’image de sa musique, Daniel Boucher a sa façon bien à lui de gérer sa carrière. Pour marquer la sortie de son neuvième album, l’artiste a récemment lancé sa plateforme numérique, danielbouc­her.quebec, pour le présenter de manière exclusive. Grâce à un « Danabonnem­ent », les fans pourront accéder à divers contenus exclusifs.

« C’est une réaction à la façon dont on consomme la musique aujourd’hui, et les conséquenc­es sur les revenus des artistes qui évoluent dans des marchés comme le Québec francophon­e, explique Daniel Boucher. Je ne suis pas en colère, je ne veux pas bouder, ajoute-t-il. Mais j’essaie quelque chose. »

L’album À grands coups de tounes vol.2 est offert sur danielbouc­her.quebec.

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