Le Journal de Quebec - Weekend
« Ça arrive à un bon moment dans ma vie » – Kanen
La chanteuse innue Kanen a souvent tendance à remettre son style musical en question, mais les deux Félix qu’elle vient de remporter à l’ADISQ lui confirment qu’elle est sur la bonne voie.
« J’ai tout appris par moi-même, je ressentais donc beaucoup d’incertitude à savoir si je devais suivre mon instinct ou bien si je devais me conformer aux codes et aux tendances », soutient Kanen, qui a quitté le dernier Gala de l’ADISQ avec les statuettes de Révélation et d’Artiste autochtone de l’année.
« Ça me confirme que mon gut feeling était bon et ça arrive à un bon moment dans ma vie », se réjouit-elle, au lendemain de sa récolte à la Place des Arts de Montréal.
À LA MODE DES INNUS
Originaire de Uashat Mak Mani-utenam, communauté innue située près de Sept-Îles sur la Côte-Nord, Kanen a grandi dans un amour de la musique qui était loin d’être teinté par la soif de succès.
« Peu importe dans quelle maison tu allais, tout le monde jouait de la guitare et chantait, se souvient-elle. C’était toujours dans un esprit de partage, de plaisir et de rassemblement », explique celle qui a assisté à ses premiers spectacles lors du Festival Innu Nikamu de Mani-utenam, alors qu’elle était gamine.
C’est cet amour viscéral pour la musique et la création qui a poussé la chanteuse à suivre son instinct, comme l’ont fait Florent Vollant et le groupe Maten avant elle.
Kanen n’était d’ailleurs pas la seule porte-couleurs de la Nation innue à prendre place dans la Salle Wilfrid-Laurier, dimanche dernier. En fait, à l’exception du chanteur atikamekw Pako, tous les artistes autochtones en lice étaient des produits du Nitassinan – nom du territoire ancestral des Innus, qui s’étend de la Côte-Nord au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
« Je trouvais ça très émouvant ; on vient presque tous de la même communauté et on a grandi avec les mêmes inspirations, mentionne-t-elle. On se soutient beaucoup dans nos carrières respectives et on se trouve chanceux de pouvoir faire ce qu’on fait, dans notre langue en plus », ajoute celle qui allie l’innu-aimun au français et à l’anglais dans ses créations.
VALIDÉE PAR SES IDOLES
Kanen a présenté, à quelques mois d’intervalle, en 2023, son premier album solo intitulé Mitshuap, ainsi que la version Deluxe de celui-ci. Pour ce faire, elle s’est entourée de Louis-Jean Cormier et de Safia Nolin ; deux artistes qui lui ont ouvert les yeux sur la musique québécoise alors qu’elle était adolescente.
« C’est encore tout nouveau pour moi de collaborer avec des noms comme ceuxci, laisse humblement tomber la chanteuse. J’en suis très reconnaissante et je me considère privilégiée, ils m’encouragent à rester curieuse dans mon processus. »
Dire que Daniel Boucher est un électron libre coule de source. L’artiste de 52 ans évite volontairement les sentiers battus en lançant À grands coups de tounes vol.2, un album éclaté qui sera offert exclusivement sur sa toute nouvelle plateforme numérique.
« Tu ne le sors pas si tu ne penses pas que c’est ton meilleur album », lance en riant l’auteur-compositeur-interprète.
« On le dit souvent, c’est un peu cliché, mais j’en suis vraiment fier. Comme À grands coups de tounes vol.1, c’est un album de chansons qui n’ont pas nécessairement de fil conducteur dans la thématique. Mais c’est un tout cohérent musicalement. C’est le deuxième album que je fais avec Jean-Sébastien Chouinard et notre complicité a explosé. On est des gros tripeux de guitares et on a pas mal les mêmes références musicales, explique le fan des Beatles. J’ai trouvé mon frère de studio. »
EN PLEINE LIBERTÉ
Le temps qui passe, loin de tarir la passion pour la musique du chanteur de La Désise ,la nourrit plutôt.
« C’est un métier où tu peux te raffiner avec le temps. Par exemple, les sportifs professionnels… À un moment donné, le corps ne suit plus. La musique, elle, se nourrit de toutes les expériences de vie. »
« Chaque fois que tu réussis à défaire un noeud dans ton existence, t’as une couche de conscience supplémentaire qui s’installe sur toi, ajoute-t-il. Une couche d’apaisement, si tu veux. Quand tu prends ta guitare le lendemain, ça paraît. »
Aujourd’hui, Daniel Boucher accepte davantage ses élans créatifs.
« Comme les mélodies sucrées à la Beatles : évidentes, faciles à chanter, qui restent dans l’oreille. Quand je suis arrivé dans ce milieu, à la fin des années 1980, on avait tendance à vouloir résister aux refrains glorieux. J’assume de plus en plus les idées qui passent. Maintenant, j’aime laisser couler les tounes, comme une rivière qui descend à travers les roches. »
À grands coups de tounes vol.2 laisse couler de grandes crues entre l’ouverture très décalée Dames Jean – « à la limite un peu malsaine » –, la mise en musique du poème Cantouque sans recours de Gérald Godin, l’indépendantisme sur Huit millions, un petit air de Gaspésie – où l’artiste vit aujourd’hui –sur En roulant vers Percé et Je peleurerai, qui affirme que l’artiste voit toujours la langue française comme un grand terrain de jeu.
SA PROPRE PLATEFORME NUMÉRIQUE
À l’image de sa musique, Daniel Boucher a sa façon bien à lui de gérer sa carrière. Pour marquer la sortie de son neuvième album, l’artiste a récemment lancé sa plateforme numérique, danielboucher.quebec, pour le présenter de manière exclusive. Grâce à un « Danabonnement », les fans pourront accéder à divers contenus exclusifs.
« C’est une réaction à la façon dont on consomme la musique aujourd’hui, et les conséquences sur les revenus des artistes qui évoluent dans des marchés comme le Québec francophone, explique Daniel Boucher. Je ne suis pas en colère, je ne veux pas bouder, ajoute-t-il. Mais j’essaie quelque chose. »
L’album À grands coups de tounes vol.2 est offert sur danielboucher.quebec.