Le Journal de Quebec - Weekend
Claudine Bourbonnais replonge dans ses souvenirs
La journaliste, écrivaine et cheffe d’antenne à Radio-Canada Claudine Bourbonnais évoque des souvenirs marquants, dont ceux de ses années d’études à Londres, dans son nouveau roman. Le destin c’est les autres raconte comment elle fut témoin de l’arrestation d’un étudiant à l’Université de Durham, où elle faisait des études sur le Moyen-Orient. Un événement qui l’a bouleversée. Vingt ans plus tard, elle et ses collègues étudiants, réunis, ont découvert que leur camarade d’études était impliqué dans des activités terroristes.
En 1988, alors qu’elle était dans la jeune vingtaine, Claudine a quitté Montréal pour faire des études sur le Moyen-Orient à l’Université de Durham, en Angleterre. Elle avait alors assisté, avec ses amis, à l’arrestation troublante d’un étudiant au doctorat d’origine palestinienne, Marwan.
Vingt années plus tard, lors d’une réunion à Londres, les amis se sont retrouvés et ils ont découvert ce qui s’était passé. Claudine réalise alors que ses doutes étaient fondés, mais que la vérité leur avait échappé.
Claudine Bourbonnais s’est laissée porter par l’écriture de ce livre, qui est à la fois un récit personnel tissé de souvenirs, un hommage à Gilles, son amoureux disparu trop vite, un portrait social et un thriller politique en lien direct avec l’actualité.
LES SOUVENIRS
« Après Métis Beach, j’avais entamé l’écriture d’un deuxième roman, basé sur ces souvenirs de mes années d’étudiante en Angleterre à la fin des années 1980. J’étais pas mal avancée. Finalement, mon mari est tombé malade en 2015. Je l’ai accompagné jusqu’à son dernier souffle. Il est décédé en 2017 », relate l’autrice, en entrevue.
« Même si j’arrivais à me réserver quelques plages pour l’écriture, évidemment, je n’avais pas l’énergie, ni la tête, ni la concentration pour poursuivre. J’avais commencé à utiliser ces souvenirs-là pour en écrire un roman. Et ça a bloqué à cause des circonstances et de l’épreuve. Quand Danielle Laurin m’a appelée, en 2021, j’ai dit : wow, bingo ! C’est cette forme-là que va prendre l’histoire que j’avais envie de raconter : un mélange d’autobiographie et peut-être d’une part d’invention. » Replonger dans ses souvenirs a été pour elle riche de sens.
« Jean-Paul Sartre a écrit L’enfer c’est les autres : c’est-à-dire qu’on donne un sens à notre existence à travers le regard des autres. L’enfer, pour lui, c’était de ne jamais pouvoir s’extraire du jugement d’autrui. Moi, je crois aussi que le destin, c’est les autres : nous sommes la somme de toutes ces rencontres déterminantes qu’on fait dans une vie. »
LES ANNÉES 1980
Claudine a cadré son récit dans les années 1980.
« J’ai voulu parler de ma génération, qui entrait dans l’âge adulte avec la peur de mourir du sida, dans un contexte économique extrêmement difficile », dit-elle.
« Le marché de l’emploi nous était fermé ; on sortait de l’université sans savoir comment on allait gagner notre vie ; les taux d’intérêt étaient prohibitifs et la guerre nucléaire était une réelle possibilité. On était une sorte de génération invisible, à laquelle la publicité ne s’intéressait même pas. On était une sorte de No Future .»
En même temps, c’était une ère de grands bouleversements.
« Les plaques tectoniques de la géopolitique mondiale bougeaient et c’était une période extrêmement exaltante pour nous.
« En même temps, on ne pouvait pas savoir, même si on avait été des témoins indirects, particulièrement en Angleterre, et particulièrement à l’université que je fréquentais, d’un mouvement qui allait nous arracher aux illusions, des décennies plus tard. Et qui allait mener aux attentats du 11 septembre, ceux de Londres, de Madrid, Charlie Hebdo, le Bataclan, et j’en passe. Malgré tout, je crois qu’il y a quand même pas mal de lumière dans le livre. »
■ Claudine Bourbonnais est née à Montréal.
■ Journaliste à Radio-Canada depuis 1990, elle est cheffe d’antenne du Téléjournal week-end.
■ Son premier roman, Métis Beach, a connu un grand succès en 2014 et a été traduit en anglais.
■ Il lui a valu d’être lauréate en 2015 au Festival du premier roman de Chambéry en France.
■ Elle est aussi l’autrice de Piégée, une nouvelle publiée dans Ponts, un collectif dirigé par Chrystine Brouillet.