Le Journal de Quebec - Weekend
Rimouski a-t-elle été bombardée ?
Rimouski a-t-elle été bombardée ? Mais alors par qui ? Voilà les questions que se posent les historiens après la découverte de deux « boulets creux » remplis de poudre à canon sous un pont de la rivière Rimouski le 9 août 2023.
« Il s’agit de deux obus de fonte de près de dix pouces de diamètre et pesant 38 kilos chacun, qui sont actuellement sous analyse au Laboratoire d’archéologie du Québec », explique Ghislain Gagnon, l’un des trois archéologues à l’emploi du ministère québécois du Transport et de la Mobilité durable.
C’est à lui qu’ont été confiés les deux artefacts extrêmement rares – on en connaît un seul complet semblable dans les collections québécoises – qui ont été retrouvés par deux employés de Construction Polaris CMM, lors des travaux de réfection du pont de la route 132.
ODEUR DE POUDRE
En raison de leur taille et de leur forme, les objets expurgés du lit de la rivière ne sont pas de simples boules de métal, mais des engins explosifs. Un peu comme les « bombes à fragmentation » qu’on retrouve aujourd’hui dans l’arsenal militaire, les obus de ce type sont conçus pour exploser avant d’atteindre le sol et causer un maximum de dégâts. Les structures contiennent en effet une bonne quantité de poudre explosive traversée par une fusée contenant une mèche enflammée.
« C’est une technologie qui a été utilisée pendant plus d’un siècle et demi par l’armée britannique », reprend M. Gagnon qui signale que la valeur historique des objets vient entre autres du fait qu’ils étaient en excellente condition. Au point où ils dégageaient encore une odeur de poudre à canon ! L’armée canadienne a d’ailleurs été appelée à les neutraliser à sa base de Valcartier.
Les collections d’objets archéologiques comptent de nombreux fragments de ces bombes, mais une seule provenant du Monastère des Récollets a été identifiée comme étant complète au Québec, dans les collections de la Ville de Québec.
Comme il s’agit de projectiles explosifs, on comprend que l’exhumation de deux obus intacts au même endroit tient presque du miracle !
Dès que la découverte a été rendue publique au cours de l’automne, les médias ont laissé entendre que les artefacts dataient du siège de Québec.
DES HYPOTHÈSES
Jusque-là, Rimouski ne semblait pas avoir été la cible des conquérants, mais une lettre du marchand Charles Aubert de La Chesnaye relate que « plusieurs coups de canon » ont été tirés les 16 et 17 juin 1759 dans la région.
« Que ces obus proviennent de tirs britanniques cette année-là, c’est possible, mais ce n’est qu’une hypothèse », souligne l’archéologue du ministère.
Le fait qu’ils aient été trouvés l’un à côté de l’autre met toutefois un doute sur cette possibilité.
Il se pourrait que des individus, pour une raison qu’on ignore, aient simplement jeté les objets du haut du pont.
Mais alors, pourquoi contenaient-ils de la poudre ? Chaque hypothèse soulève son lot de questions !
Le rapport d’expertise, prévu pour la fin de l’année 2023, pourrait nous en apprendre davantage.
« Mais il se pourrait que le mystère demeure à jamais », prévient Ghislain Gagnon.